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Au plus près du texte

Paris
Athénée - Théâtre Louis‑Jouvet
02/15/2024 -  et 15 (Toulon), 18 (Orléans), 21 (Cergy-Pontoise), 25 (Le Perreux‑sur‑Marne), 29 (Tarbes) janvier 2022, 20 (Saint-Quentin-en-Yvelines), 26 (Caluire-et-Cuire) janvier, 4 (Vichy), 7 (Arras) février 2023, 9 (Clermont-Ferrand), 17, 19, 21, 23, 25 (Paris) février 2024
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Jean-Christophe Lanièce (Pelléas), Marthe Davost (Mélisande), Halidou Nombre (Golaud), Marie‑Laure Garnier (Geneviève), Cyril Costanzo (Arkel), Cécile Madelin (Yniold)
Martin Surot*/Jean-Paul Pruna (piano)
Moshe Leiser, Patrice Caurier (mise en scène), Christophe Forey (lumières), Sandrine Dubois (costumes)


M. Surot, M. Davost, J.‑C. Lanièce (© Guillaume Castelot)


Créée à Toulon voilà deux ans, la nouvelle production de Pelléas et Mélisande produite par la Fondation Royaumont s’est lancée dans une vaste tournée à travers l’Hexagone, avant de faire halte à l’Athénée pour six représentations : il faut dire que le choix de la version piano-chant, réalisée par le compositeur lui‑même, facilite l’accueil dans des salles aux dimensions modestes. De quoi faire découvrir au plus grand nombre le chef‑d’œuvre lyrique de Debussy, qu’il acheva en 1895, mais qu’il retravailla sans cesse jusqu’à la création à l’Opéra-Comique sept ans plus tard.


Proposer Pelléas et Mélisande dans une salle aussi intimiste que celle de l’Athénée (500 places) a évidemment pour avantage premier de donner au spectateur une proximité avec la scène, au plus près des interprètes. C’est là un atout décisif pour pénétrer les subtilités de ce huis‑clos irrespirable, et ce d’autant plus que l’allégement de l’accompagnement musical, au seul piano, valorise plus encore la concentration sur le texte. On découvre là une version plus théâtrale, qui permet de se délecter des abîmes d’ambiguïté du livret, adapté de l’ouvrage éponyme de Maeterlinck. Le poète symboliste belge n’a pas son pareil pour donner un double sens à ces nombreuses allusions, volontiers psychanalytiques avant l’heure – en laissant entrevoir, par exemple, viol et inceste entre les lignes. Pratiquement oublié dans nos contrées, Maeterlinck conserve de nos jours une certaine notoriété grâce aux adaptations musicales qui l’ont honorées en son temps, du Pelléas de Debussy jusqu’à Ariane et Barbe‑Bleue (1907) de Dukas (où l’on retrouve précisément Mélisande dans un rôle plus anecdotique). On peut toutefois apprécier cette histoire au premier degré, sans se laisser enivrer par le symbolisme du livret, pour y voir un amour platonique repoussé jusqu’à l’affirmation explosive entre les deux tourtereaux, finalement fatale pour l’un et l’autre, sous l’œil vengeur du mari trompé.


Il faut, pour donner toutes ses lettres de noblesse à ce drame, des interprètes rompus à la diction requise par l’écriture vocale, où le parlé‑chanté est roi. C’est précisément l’atout maître de cette production, qui réunit de jeunes chanteurs tous très aguerris dans ce domaine. Ainsi de Jean-Christophe Lanièce (Pelléas), qui porte haut le verbe du fait de son éloquence souveraine, à l’articulation souple et naturelle. Il sait aussi s’enflammer au IV pour porter toute l’effusion de sentiments, si longtemps muselée, aux côtés d’une Marthe Davost (Mélisande) tout aussi convaincante au niveau dramatique. On aime aussi son attention portée au texte, soutenue par une prestation technique très solide tout du long. C’est en ce dernier domaine qu’Halidou Nombre (Golaud) déçoit, entre problèmes d’intonation et passages parfois plus criés que chantés. Rien de tel pour la superlative Marie‑Laure Garnier (Geneviève), qui impressionne une nouvelle fois par sa classe vocale, aussi incarnée qu’harmonieuse dans la délicatesse des phrasés. Plus sonore en comparaison, Cyril Costanzo impose un Arkel autoritaire mais plus uniforme, tandis que Cécile Madelin (Yniold) séduit dans les passages en parlé‑chanté, mais laisse de côté la nécessaire prononciation dans les passages rapides.


Tout ce petit monde bénéficie de l’accompagnement narratif de Martin Surot au piano, tout de grâce et de légèreté féline, qui montre là son affinité avec ce répertoire, lui qui s’est notamment illustré par le passé dans un drame analogue (Katia Kabanová de Janácek). Son piano sert aussi d’élément de décor, dans la transposition contemporaine très sobre de Moshe Leiser et Patrice Caurier, en figurant la tour où Mélisande déploie ses cheveux vers l’élu de son coeur. Le couple franco-belge cherche à donner davantage de consistance aux caractères des personnages, insistant sur l’alcoolisme et la violence de Golaud ou la vieillesse pas si infirme d’Arkel. On aime également la variété des éclairages, qui sert le propos avec une modernité de ton jamais formelle, toujours au service des moindres péripéties du récit. On pourra bien entendu trouver proposition plus audacieuse, mais ce travail rigoureux impose tout du long une concentration tendue sur les interprètes, sans fioritures excessives.



Florent Coudeyrat

 

 

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