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Le patriarche apollinien

Paris
Philharmonie
01/13/2024 -  et 28, 29, 30 septembre (Chicago), 5 octobre (New York) 2023, 14 (Essen), 15 (Luxembourg), 19 (Frankfurt), 20 (Köln), 24 (Budapest), 26 (Torino) janvier 2024
Philip Glass : The Triumph of the Octagon
Felix Mendelssohn : Symphonie n° 4 « Italienische », opus 90
Richard Strauss : Aus Italien, TrV 147, opus 16

Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti (direction)


R. Muti (© Todd Rosenberg)


On attend toujours un concert de Riccardo Muti, surtout quand il nous emmène en Italie. Mais avant la Quatrième Symphonie de Mendelssohn et Aus Italien de Strauss, The Triumph of the Octagon, inspiré par le Castel del Monte, ce singulier château octogonal dominant les Pouilles, ennuie copieusement pendant dix minutes, avec ses arpèges et ses accords sirupeux. Ils n’ont que le mérite de mettre en valeur les pupitres de l’orchestre de Chicago, les cordes surtout, d’un soyeux et d’une homogénéité parfaites, auxquelles se joignent seulement deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes et une harpe.

 
L’Italienne de Mendelssohn surprend par un parti pris d’intimisme, dès un Allegro vivace aux élans étonnamment retenus, plus chanté que pulsé, d’où la lumière ne jaillit pas en une explosion de rayons, comme si le chef cherchait à se protéger des éblouissements du soleil. On admire certes l’élégance patricienne de la direction, la subtilité des contrechants, la finesse des couleurs, mais ce choix de plasticité apollinienne convient‑il vraiment à l’esprit de la partition ? Alors que l’Andante con moto séduit par sa sérénité pastorale et la beauté sensuelle de ses courbes, le Con moto moderato s’avère trop sage, le chef se ranimant un peu pour le Saltarello final, qu’on souhaiterait néanmoins plus bondissant.


Aus Italien est à Strauss ce qu’est Harold en Italie à Berlioz, avec ses quatre parties, dont la musique à programme anticipe la Symphonie des Alpes. Mais si le compositeur bavarois y voit une œuvre charnière entre sa jeunesse et sa maturité, si la maîtrise virtuose de l’orchestre s’y signale déjà, la forme s’y cherche encore, le discours s’y disperse et il faut attendre Don Juan pour que naisse vraiment Richard Strauss. L’orchestre américain, lui, y brille de tous ses feux, porté par une baguette toujours aussi raffinée, que ne grise pas l’éclat parfois un peu creux de l’instrumentation, notamment dans l’Andante initial. La promenade à travers la campagne s’accommode de cette direction au classicisme assumé, avant que l’Allegro molto con brio ne privilégie l’évocation des « sentiments de mélancolie et de chagrin » plutôt que celle des « brillants rayons solaires du présent » évoqués par l’appel de trompette du début, dont l’éclat jubilatoire semble un peu tamisé. On ne résiste pas, en revanche, aux chatoiement impressionnistes, au kaléidoscope de couleurs de l’Andantino de la plage de Sorrente, où le maestro s’abandonne enfin amoureusement à la musique, avec la complicité d’un orchestre aux beautés capiteuses. Et il se laisserait presque entraîner dans le tourbillon de la vie napolitaine du finale, où se reconnaît le célèbre Funiculì funiculà de Denza, sans pour autant lâcher la bride à ses musiciens, rebelle à l’effet gratuit, dirigeant toujours l’énorme phalange comme une formation de chambre.


Salué par une tempête d’applaudissements, celui que l’orchestre a désormais sacré chef émérite à vie s’adresse au public et propose en bis, comme un message de paix, le poignant Intermezzo de Manon Lescaut de Puccini, dont l’année nouvelle célèbre le centenaire de la mort. Et l’on retrouve là le Muti qu’on attendait, comme si le patriarche renouait, pendant ces quelques minutes où tout paraît suspendu, avec le lyrisme intense et lumineux d’une jeunesse retrouvée, à la tête d’un orchestre en état de grâce. Le soleil a enfin percé.



Didier van Moere

 

 

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