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Beethoven au sommet

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
12/07/2023 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon en ré majeur, opus 61
Franz Schubert : Symphonie n° 9 en ut majeur, D. 944

Gil Shaham (violon)
Orchestre national de France, Trevor Pinnock (direction)


T. Pinnock


Nous avions le souvenir d’un superbe concert consacré en 2017 à Johann Sebastian Bach, où le chef anglais bien connu, Trevor Pinnock, avait dirigé pour la première fois l’Orchestre national de France ; depuis l’orchestre a de nouveau invité ce grand chef si attachant, spécialisé dans la musique baroque (pas plus tard qu’en juin dernier avec un programme Schubert, Mozart et Haydn) et le concert de ce soir était donc, sauf erreur, la troisième rencontre entre les deux. Même si (nous allons y revenir) Schubert nous aura parfois un peu déçu, force est de constater que l’alchimie entre le chef anglais et l’orchestre français est toujours de mise.


Certes, on le sait, le pain quotidien de Trevor Pinnock est essentiellement constitué par Mozart, Haydn, Händel, Bach, Vivaldi (mais aussi Corelli, Fasch, Boyce...) mais cela fait longtemps que le chef fondateur de l’English Concert dirige également Bruckner et Mahler (souvent dans des transcriptions pour orchestre de chambre) mais aussi Ravel et Stravinsky. Alors pourquoi pas Beethoven, d’autant que le Concerto pour violon (1806) prolonge davantage le classicisme finissant (au moins sur un plan strictement chronologique) qu’il ne se situe dans le romantisme naissant ? Gil Shaham, qu’on ne présente plus, garde dès son entrée sur scène son éternel sourire espiègle que n’entame en rien une chevelure désormais légèrement grisonnante ; du concerto, il ne fait qu’une bouchée, avec une musicalité et une finesse d’exécution qui font merveille, notamment dans des aigus d’une pureté incroyable. Dans l’Allegro ma non troppo, on est d’emblée frappé par le travail que soliste et chef, à l’évidence parfaitement en osmose, ont réalisé sur les nuances et les dynamiques du concerto, certains choix pouvant surprendre (presque un piano subito ici ou là) mais étant assumés avec une parfaite cohérence. Dans cet écrin, Gil Shaham déploie des sonorités d’une évidente générosité, la cadence étant un modèle du genre où la démonstration du soliste ne vire jamais à l’esbroufe inutile. Peut‑être parce que nous n’avions pas entendu l’Orchestre national de France depuis un moment, celui-ci nous aura fortement impressionné ce soir non pas tant pour sa petite harmonie (toujours idéale... comme dans la plupart des orchestres français) que pour ses cordes dont l’ampleur, le souffle et la justesse là aussi, nous aurons ravi tout au long du concert. Après un Larghetto qui fut un modèle d’équilibre, le très attendu Rondo nous emporta dans un tourbillon ô combien classique où les vents (notamment l’excellente Marie Boichard au basson solo) brillèrent de mille feux aux côtés d’un Gil Shaham tout à son jeu, ne forçant jamais l’archet, espiègle tant dans son phrasé que dans son attitude physique (le manche de son violon frôlant parfois presque dangereusement les bras de Trevor Pinnock) : une interprétation de toute beauté que le magnifique Schön Rosmarin de Fritz Kreisler, pour violon solo et orchestre à cordes, donné en bis, couronna pour le plus grand plaisir du public venu en nombre ce soir.


La « grande » symphonie (1825‑1826) de Schubert est d’une redoutable difficulté car, par ses dimensions (près d’une heure, si l’on respecte toutes les reprises) et son contrepoint si subtil à respecter, elle n’a rien du long fleuve tranquille qu’une oreille distraite pourrait penser y trouver. La conception de Trevor Pinnock est assez inhabituelle, surtout si on la compare à des interprétations dirigées par des chefs plus « classiques », mais pas iconoclaste pour autant car le chef anglais se souvient que Schubert n’a alors que 28 ans lorsqu’il compose cette dernière symphonie : aussi choisit‑il de l’aborder davantage comme l’œuvre d’un compositeur encore jeune qu’avec toute la dimension grandiose qu’on lui connaît habituellement. Dès le début du premier mouvement, dans l’Andante, le cor altier d’Hervé Joulain inaugure un mouvement tout en fluidité, à la pâte sonore allégée, où le vibrato des cordes se fait moins présent qu’habituellement. On reconnaît là le « baroqueux » Pinnock, qui a également préféré des timbales frappées par des baguettes en bois (plutôt qu’en feutre) et qui privilégie le détail de la partition sur les grandes phrases. Cela semble d’ailleurs poser quelques problèmes de mise en place (hormis un léger décalage des premiers violons dans le dernier mouvement, on n’en aura guère perçu d’autres) à tel point que Sarah Nemtanu, premier violon solo ce soir, n’hésite pas à davantage marquer les temps à l’adresse de son pupitre mais également de l’ensemble de l’orchestre, les violoncelles regardant ainsi souvent dans sa direction tandis que Trevor Pinnock fait chanter à merveille qui les bois, qui les trois trombones. Si l’Andante con moto ne suscite guère de remarque (tout juste aurait‑on pu espérer un hautbois solo un peu plus enjôleur), c’est le Scherzo, souvent le mouvement le plus délaissé, qui nous aura enthousiasmé grâce à une petite harmonie tout en facétie et en spiritualité. L’Allegro vivace peine parfois à retrouver une certaine dynamique mais le chef ne le conduit pas moins avec maestria, soulevant l’enthousiasme du public.


Décidément, oui : l’alchimie entre Trevor Pinnock et le National fonctionne à plein. Vivement une prochaine rencontre, qui sait pour la saison 2024‑2025 ?


Le site de Trevor Pinnock
Le site de Gil Shaham



Sébastien Gauthier

 

 

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