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Pat & Co Paris Cité de la musique 11/25/2023 - Luigi Nono : "Hay que caminar" Sonando
Salvatore Sciarrino : Six Caprices pour violon : 1. Vivace, 2. Andante, 3. Assai agitato & 4. Volubile
Johann Sebastian Bach : Herr Christ, der ein’ge Gottes‑Sohn, BWV 601 – Aus tiefer Not schrei’ ich zu dir, BWV 687 – Cantate « Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit » (Actus tragicus), BWV 106 : Sonatina (transcriptions Győrgy Kurtág) – Das Musikalische Opfer, BWV 1079 : 5. Fuga (2. Ricercata) a sei voci (orchestration Anton Webern) – Die Kunst der Fuge, BWV 1080 : Contrapunctus XIX [1]
George Crumb : Black Angels (Images 1) [2]
Carl Philipp Emanuel Bach : Presto en do mineur, H 230 (arrangement Kopatchinskaja) [3]
Michael Hersch : Concerto pour violon [4] Patricia Kopatchinskaja [3, 4], Jeanne‑Marie Conquer [3], Diego Tosi [2], Hae‑Sun Kang [1] (violon), John Stulz (alto), Renaud Déjardin (violoncelle), Sophie Cherrier (flûte), Jérôme Comte (clarinette), Hidéki Nagano, Dimitri Vassilakis [3] (piano)
Ensemble intercontemporain, Pierre Bleuse (direction)
P. Kopatchinskaja (© Marco Borggreve)
Voilà un concert qui commence avant l’heure. Lorsque le public entre, il y a déjà deux violonistes, dont Patricia Kopatchinskaja, sur le côté gauche de la scène, qui interprètent « Il faut aujourd’hui marcher », en rêvant (1989) de Luigi Nono (1924‑1990). Le public s’installe néanmoins dans un petit brouhaha qui met longtemps à s’éteindre, le temps de comprendre que c’est déjà commencé. Le niveau du parterre n’étant que partiellement occupé par des sièges, en périphérie, certains restent debout autour du piano droit central qui ne sert pas encore, déambulent ou s’assoient carrément sur le parquet. Les deux violonistes finissent par se séparer et sont rejoints par deux autres violonistes qui s’écartent à un moment pour occuper les quatre coins de la salle. Du point de vue sonore, on a l’impression d’improvisations permanentes ; on passe de phases d’excitation à des périodes d’abattement, une multitude de techniques d’émission étant employée. On distingue alors à peine le passage de la pièce de Luigi Nono aux extraits des Six Caprices de Salvatore Sciarrino (né en 1947). Soudain, le piano central est éclairé pour trois préludes de choral de Johann Sebastian Bach transcrits pour quatre mains par Győrgy Kurtág (né en 1926), spécialité au concert du compositeur hongrois avec feu son épouse. Les pianistes de l’Ensemble intercontemporain en donnent une lecture la plus neutre possible, sans effets, mais le son paraît bien étouffé.
L’intérêt est décuplé avec le quatuor à cordes électrifié Anges noirs (1970) de George Crumb (1929‑2022). L’œuvre est protéiforme : les musiciens, dont Patricia Kopatchinskaja, au premier violon, sont appelés à crier à l’unisson, à frapper sur des gongs, à les frotter avec le crin de leur archet, à utiliser des maracas et des verres d’eau accordés, et à frotter les cordes de leur instrument au‑dessus de la main servant à déterminer les notes, du côté des clefs, pour obtenir un étrange effet sonore, très aigu, ou à les taper avec les doigts. On décèle à peine des citations de La Jeune Fille et la Mort de Franz Schubert, noyées sous un festival de sons, la surprise étant permanente, l’amplification troublant curieusement la perception.
Après la pause, l’arrangement pour six musiciens (flûte, clarinette, deux violons, violoncelle et piano) du Presto en do mineur de Carl Philipp Emanuel Bach (1714‑1788) déçoit. On ne saisit pas bien l’intérêt de l’arrangement et la réalisation peine à convaincre et on se prend à penser bêtement que la pièce ne doit pas relever de l’univers habituel des membres de l’Intercontemporain, alors qu’ils sont exceptionnels.
Suit un Concerto pour violon et orchestre de chambre (2017) de Michael Hersch (né en 1971), inspiré par des poèmes de Thomas Hardy et écrit pour Patricia Kopatchinskaja elle‑même. Pieds nus toujours, conformément à son habitude, elle fait preuve d’un engagement impressionnant dans cette suite de mouvements contrastés mais aux tonalités sombres malgré tout, à la structure finalement assez classique ABA’B’.
Et le concert, ou plutôt le spectacle tant la mise en scène ou en espace et le jeu des lumières imaginés par Patricia Kopatchinskaja et ses amis, et parfaitement mis en place, sont essentiels, s’achève par une superbe interprétation au quatuor à cordes du Contrapunctus final de L’Art de la fugue de Johann Sebastian Bach (1750). Il en est donné une lecture résolument contemporaine, extraordinairement apaisée, le plus piano possible, tout en étant déchirante. Les applaudissements, après un long silence, paraissent du coup presque incongrus.
Le concert en intégralité sur le site de la Philharmonie de Paris jusqu’au 25 mai 2024 :
Stéphane Guy
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