About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Rome en voyage

Baden-Baden
Festspielhaus
11/10/2023 -  et 2, 3, 4 (Roma), 8 (Essen), 11 (Frankfurt) novembre 2023
Luigi Cherubini : Anacréon : Ouverture
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 3 en ut mineur, opus 37
Jean Sibelius : En saga, opus 9
Richard Strauss : Till Eulenspiegel, opus 28

Igor Levit (piano)
Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano (direction)


I. Levit, A. Pappano (© Andrea Kremper)


Ceux qui nous affirment que la personnalité sonore des orchestres modernes, en fonction de leur nationalité, a tendance à s’émousser au profit d’un certaine uniformisation, n’ont sans doute pas tort. Cela dit, il reste quand même de flagrantes différences entre les phalanges, et ce soir l’individualité de l’Orchestre de l’Académie nationale Sainte‑Cécile saute aux oreilles, et pas forcément en bien. En particulier, l’homogénéité des pupitres de cordes ne paraît pas cultivée ici comme une vertu cardinale. En caricaturant certes un peu, on a davantage l’impression d’être confronté à une rencontre d’un soir, de musiciens de haut niveau, qu’à la prestation d’un orchestre en ordre de marche. Et même impression du côté de la petite harmonie, où personne n’indiffère, mais personne non plus ne cherche à se fondre prioritairement dans une dynamique d’ensemble. Somme toute un orchestre très latin, ce qui, après tout, est logique, mais sans doute davantage adapté à certaines musiques qu’à d’autres.


En l’occurrence, même dirigé par un Antonio Pappano qui paraît savoir où il veut aller, Sibelius reste un choix bizarre, et malheureusement peu concluant. Pourquoi diable s’égarer dans En saga, alors que manifestement les couleurs instrumentales sont inadaptées ? La lecture reste sèche, abstraite, manque de plénitude, les musiciens saisissant comme ils le peuvent ici ou là de courtes occasions de briller individuellement, mais dans un idiome qui leur reste étranger.


Dans l’Ouverture d’Anacréon, donnée au début de concert, c’est évidemment tout l’inverse. Là, chaque note fait sens, mais le problème est que Cherubini n’est ni Beethoven ni Rossini, alors que son écriture semble constamment osciller entre les deux, et reste bancale. De toute façon Antonio Pappano se révèle plutôt moins convaincant que Riccardo Muti, grand défenseur de ce répertoire, et l’ensemble, relativement dispersé en jolis détails, ennuie un peu.


Avec le Troisième concerto pour piano de Beethoven, l’intérêt remonte évidemment beaucoup. Là, et le chef, et l’orchestre, ne semblent pas avoir de conception particulièrement originale à faire valoir, mais accompagnent bien, un peu comme à l’opéra, un soliste auquel il est donné carte blanche. Et quand ce soliste s’appelle Igor Levit, rien ne laisse indifférent. Une conception assez fantasque, toujours très musicale, et qui nous rappelle avec insistance que ce concerto est le seul de Beethoven à être écrit dans une tonalité mineure, ce qui doit correspondre à un projet précis. Donc une atmosphère particulière et prenante, le soliste paraissant de toute façon d’une aisance qui domine de très haut le sujet. Au point de beaucoup se tourner vers l’orchestre, voire l’encourager du corps et des mains. On en vient presque à se demander si aujourd’hui Igor Levit n’est pas mûr pour diriger des concertos lui‑même, depuis son piano. En bis, une facétie, la « Valse‑Scherzo » extraite des Danses des poupées de Chostakovitch, une pièce pour enfants, mais exécutée avec une précision d’horloger, attentif à la perfection du plus minime engrenage.


Le concert s’achève par sa partie la plus convaincante : Till Eulenspiegel de Richard Strauss. Là encore une incursion de l’orchestre hors de son terroir, mais réussie. Le cor solo a de la classe, on remarque encore et toujours un excellent basson, une flûte et une clarinette un peu moins brillants mais compétents, et puis Pappano confère à l’ensemble une belle exubérance narrative, qui captive par une fraîcheur des couleurs dont les formations germaniques, aux sonorités plus fondues, sont moins coutumières.


Bis attendus. D’abord la révérence nationale surannée d’Italiana d’Ottorino Respighi, dévolue aux seules cordes, les autres pupitres attendant patiemment de prendre leur revanche ensuite, avec une turbulente Première Danse hongroise de Brahms, où pour une fois, la surabondance de l’effectif (le même que pour Richard Strauss juste avant) ne gêne pas.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com