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Nature immense Paris Maison de la radio et de la musique 11/10/2023 - Jean Sibelius : En saga, opus 9
Kaija Saariaho : Saarikoski-laulut
Antonín Dvorák : Symphonie n° 8 en sol majeur, opus 88, B. 163 Anu Komsi (soprano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Sakari Oramo (direction)
S. Oramo (© Benjamin Ealovega)
Le chef finlandais Sakari Oramo est depuis 2013 chef de l’Orchestre symphonique de la BBC après avoir été directeur de celui de Birmingham. Il est assez rare en France même s’il parle un excellent français et s’il a dirigé l’Orchestre de Paris à plusieurs reprises depuis 2000. C’est donc un peu curieusement qu’il faisait en cette soirée ses débuts à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France. Au programme : de la musique finlandaise mais aussi Dvorák, avec en ligne conductrice de ce concert le rapport à la nature.
En saga est une pièce de jeunesse de Jean Sibelius datant de 1892 mais remaniée et raccourcie par le compositeur en 1902. Le titre signifie « conte de fées » en suédois. Et c’est bien une musique féerique que l’on entend mais une féerie sombre à la Sibelius. Cette magnifique pièce, annonciatrice du Sibelius de la maturité, est magistralement conduite par Sakari Oramo, dont la précision comme l’énergie et la direction sobre mais efficace emmènent tout l’orchestre avec lui. L’enchevêtrement des thèmes, la variété des climats, le début qui fait penser à Boris Godounov jusqu’à un solo de clarinette et à une longue tenue finale de la cymbale sont parfaitement conduits. Une magnifique ouverture de concert.
Place ensuite à la création française des Chants de Saarikoski de la compositrice finlandaise française d’adoption Kaija Saariaho, récemment disparue. Fondée sur des poèmes de Pentii Saarikoski, cette étonnante pièce en cinq mouvements est ici interprétée par la dédicataire, Amu Komsi, Mme Oramo à la ville, qui assura d’abord la création mondiale de la version originale pour piano en 2021 puis de la version orchestrale à Boston en 2022 avec Andris Nelsons. Et la maîtrise de la chanteuse, à qui il est demandé des trilles, des changements de registres et des nuances extrêmes, est proprement impressionnante. Sakari Oramo veille à chaque moment à la précision et à l’esprit de cette pièce raffinée avec maestria et élégance. L’Orchestre philharmonique de Radio France, habitué au répertoire contemporain, est souverain.
Après l’entracte, changement de pays avec la Huitième Symphonie de Dvorák. Sakari Oramo et le Philharmonique de Radio France offrent une lecture puissante, équilibrée et passionnante de bout en bout de ce chef‑d’œuvre. Oramo, comme Bernard Haitink par le passé et Herbert Blomstedt maintenant, dirige la partition fermée posée sur le pupitre. Les quatre mouvements aux climats si différents s’enchaînent naturellement et sans accroc. Tous les contrechants (si importants dans cette musique) sont audibles, les cordes, base de la construction orchestrale, sonnent de façon opulente tout en laissant la place aux vents et aux cuivres, parmi lesquels les trompettes sont particulièrement impressionnantes de précision et de panache. Cela donne au total une merveilleuse et passionnante interprétation, chaleureusement accueillie par un public conquis comme le sont à l’évidence les musiciens qui applaudissent sans réserve le chef finlandais. On aura noté la grande qualité du timbalier de l’orchestre, Rodolphe Théry (arrivé en 2019), dont le contact avec le chef comme l’investissement constant, y compris lorsqu’il ne joue pas, sont les signes d’un musicien passionné. Il ne serait pas étonnant que comme beaucoup de timbaliers avant lui... il prenne un jour la baguette.
Ce passionnant et magnifique concert aura donc été surtout marqué par les débuts très réussis de ce chef de talent à la tête du toujours excellent Orchestre philharmonique de Radio France. Nul doute devant une si manifeste entente qu’il soit à nouveau invité.
Gilles Lesur
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