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Un tribunal implacable

Milano
Teatro alla Scala
10/18/2023 -  et 21, 24, 27, 30 octobre, 2* novembre 2023
Benjamin Britten : Peter Grimes, opus  33
Brandon Jovanovich (Peter Grimes), Nicole Car (Ellen Orford), Olafur Sigurdarson (Captain Balstrode), Margaret Plummer (Auntie), Katrina Galka (First Niece), Tineke Van Ingelgem (Second Niece), Michael Colvin (Bob Boles), Peter Rose (Swallow), Natascha Petrinsky (Mrs. Sedley), Benjamin Hulett (Rev. Adams), Leigh Melrose (Ned Keene), William Thomas (Hobson), Michele Mauro (A lawyer), Victoria Shapranova (A fisherwoman)
Coro del Teatro alla Scala, Alberto Malazzi (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Simone Young (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène, lumières), Gideon Davey (décors, costumes), Peter Van Praet (lumières), Will Duke (vidéo), Rebecca Howell (chorégraphie)


(© Brescia e Amisano/Teatro alla Scala)


Pour la Scala, le metteur en scène Robert Carsen a conçu une production choc de Peter Grimes, une version sombre et violente du chef‑d’œuvre de Benjamin Britten, implacable et sans aucune possibilité de rédemption. Un spectacle superbe. Le scénographe Gideon Davey a imaginé un décor unique représentant une salle de tribunal froide et austère. Au lever de rideau, Peter Grimes comparaît pour la mort de son premier apprenti, sous les yeux des habitants de son village. Tout au long de l’intrigue, il sera ainsi constamment soumis au jugement de pêcheurs particulièrement obtus et peu enclins à l’empathie, des pêcheurs moralisateurs et cyniques, installés sur une tribune surplombant la salle et qui vont aller jusqu’à se montrer froids et distants envers Ellen Orford, la seule qui éprouve de la compassion pour Peter Grimes. A la mort de son second apprenti, Grimes sera condamné sans appel et n’aura comme seule échappatoire que de se suicider en mer, alors que les villageois lugubres pourront reprendre leur petite vie sinistre, comme si de rien n’était, avec l’hypocrisie comme maître‑mot. Le décor baigne dans des lumières blafardes et au‑dessus de la tribune, de gros plans vidéo du visage particulièrement tourmenté, voire halluciné de Peter Grimes renforcent le sentiment de malaise. Juste avant le baisser de rideau, le village est à nouveau réuni pour juger un autre marginal, la chasse aux sorcières ne faisant que se répéter.


L’âpreté de cette conception de l’ouvrage est renforcée par le Peter Grimes agressif et tourmenté de Brandon Jovanovich, névrotique et borderline aussi, un caractère qui l’empêche de créer des liens avec les habitants du village. Face à l’hostilité de ces derniers, il va se renfermer encore davantage. Le chant du ténor est particulièrement expressif et passionné. Pour sa part, Nicole Car incarne une Ellen Orford douce et émouvante, au beau timbre lyrique et intense. Les personnages secondaires sont tous excellents vocalement et crédibles scéniquement, qu’il s’agisse de la Mrs. Sedley nocive de Natascha Petrinsky, de l’Auntie perverse de Margaret Plummer, qui force ses nièces à se prostituer, ou encore du Balstrode débonnaire d’Olafur Sigurdarson. On signalera aussi la superbe prestation du Chœur de la Scala, présent durant tout le spectacle. On n’oubliera pas de sitôt la scène au cours de laquelle les choristes brandissent des lampes de poche sur le public, comme si chacun de nous pouvait avoir à se justifier un jour devant un tribunal implacable.


Pour son premier opéra à Milan (elle a déjà donné des concerts avec l’Orchestre de la Scala), Simone Young fait des merveilles : si les Interludes qui parsèment la partition de Britten sont de toute beauté, essentiellement lyriques et lumineux, le reste de l’ouvrage sous sa baguette n’est que rage et violence, angoisse et désespoir, avec des accents puissants et véhéments qui secouent les cœurs et les tripes, une exécution musicale sans concession, totalement au diapason de la mise en scène. Ce nouveau Peter Grimes scaligère est à marquer d’une pierre blanche.



Claudio Poloni

 

 

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