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Des chaînes pour seul horizon

Milano
Teatro alla Scala
10/28/2023 -  et 3*, 7, 10, 12 novembre 2023
Italo Montemezzi : L’amore dei tre re
Evgeny Stavinsky (Archibaldo), Roman Burdenko (Manfredo), Giorgio Berrugi (Avito), Giorgio Misseri (Flaminio), Chiara Isotton (Fiora), Andrea Tanzillo (Un giovanetto), Giulia Fieramonte/Cecilia Menegatti*/Valentina Diaz (Un fanciullo), Fan Zhou (Ancella), Flavia Scarlatti/Silvia Spruzzola* (Una giovanetta), Marzia Castellini/Daniela Salvo* (Una vecchia)
Coro del Teatro alla Scala, Alberto Malazzi (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Pinchas Steinberg (direction musicale)
Alex Ollé/La Fura dels Baus (mise en scène), Alfons Flores (décors), Llucs Castells (costumes), Marco Filibeck (lumières)


(© Brescia e Amisano/Teatro alla Scala)


Pour terminer sa saison 2022‑2023, la Scala propose une nouvelle production du très rare Amore dei tre re d’Italo Montemezzi (1875‑1952), un opéra qui n’avait plus été représenté à Milan depuis 1953. L’ouvrage a été créé in loco en 1913, sous la direction de Tullio Serafin. L’année suivante, il a été donné à New York sous la baguette cette fois d’Arturo Toscanini, avec un immense succès. Malgré l’attrait qu’elle a exercé sur des chefs renommés, l’œuvre ne s’est jamais vraiment imposée sur les scènes lyriques, pas même en Italie.


L’intrigue de L’Amour des trois rois est l’une des plus sombres de toute l’histoire de l’opéra. Elle se déroule au Moyen Age, pendant les invasions barbares, dans un château perdu au milieu d’une forêt inaccessible. Le vieux roi Archibald soupçonne Fiora, sa belle‑fille, de tromper son mari, Manfredo, qui doit succéder un jour à son père mais qui est très souvent absent du château, tout occupé qu’il est à repousser les avancées des barbares. Obsédé par des soupçons de plus en plus pressants, le souverain étrangle Fiora. Il enduit ses lèvres de poison, espérant que son amant viendra lui donner un dernier baiser sur son lit mortuaire. Et c’est effectivement ce qui se produit. Agonisant au pied de la dépouille de Fiora, Avito, l’amant, est rejoint par Manfredo, qui ne peut s’empêcher d’embrasser une dernière fois sa femme. Il finit donc par mourir lui aussi sous l’effet du poison. Archibald ne peut que constater la mort de son fils. L’orchestration a très clairement des accents wagnériens, faisant souvent penser à Tristan et Isolde, et Debussy, avec Pelléas et Mélisande, n’est pas loin non plus.


Pour le metteur en scène Alex Ollé du collectif catalan La Fura dels Baus, Fiora est la victime innocente d’une société machiste et violente, qui retient les femmes en otage pour mieux les dominer et les contrôler. Même l’amant, Avito, ne fait rien pour fuir avec Fiora et l’extraire de sa condition de recluse. Le scénographe Alfons Flores a conçu un décor spectaculaire et suggestif constitué de 800 chaînes métalliques descendant des cintres, un dispositif qui traduit bien, jusqu’à la claustrophobie, le sentiment de renfermement. Pour le metteur en scène, la situation des femmes n’est guère meilleure aujourd’hui, évoquant, rien que depuis le début de l’année, 80 féminicides en Espagne et 70 en Italie. C’est la raison pour laquelle les personnages portent tous des costumes intemporels : cuir noir pour les hommes et immense t‑shirt blanc informe pour Fiora. Si le dispositif scénique est particulièrement impressionnant, force est néanmoins de constater que la direction d’acteurs est réduite à son strict minimum, les personnages manquant de caractérisation.


Avec L’amore dei tre re, Pinchas Steinberg fait ses débuts – très applaudis – dans la fosse de la Scala. Spécialiste de l’ouvrage, qu’il connaît bien pour l’avoir dirigé à plusieurs reprises, mais toujours en version de concert jusqu’ici, il livre une interprétation particulièrement nerveuse et tendue ; les passages lyriques sont abordés avec une grande finesse. Le maestro s’emploie aussi à mettre en valeur la richesse de l’orchestration, faisant entendre les moindres détails et réussissant à créer un sentiment de mystère et d’angoisse. Sans être exceptionnelle, la distribution vocale est solide et homogène. Evgeny Stavinsky a les graves sonores et profonds ainsi que l’autorité du vieux roi Archibald, quand bien même le timbre semble quelque peu gris et monotone. En Avito, malgré quelques accents véhéments, Giorgio Berrugi incarne un amant plutôt placide, manquant d’élan et de passion. Timbre sonore et bien projeté, Roman Burdenko campe un Manfredo noble et distant. Malgré des aigus parfois stridents, Chiara Isotton est une Fiora à la ligne vocale claire et lumineuse, livrant un portrait émouvant d’une femme à la fois triste et sensuelle, qui ne peut échapper à sa condition de prisonnière. On mentionnera aussi le Flaminio de Giorgio Misseri, à la belle voix de ténor léger. Le public milanais n’a réservé qu’un accueil poli à ce spectacle, lequel aurait mérité des applaudissements bien plus chaleureux.



Claudio Poloni

 

 

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