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Grandes profondeurs

Montpellier
Opéra Comédie
07/20/2023 -  et 14 (Perth), 19 (Den Haag) mai, 13 (Hindsgavl), 24 (Helsingborg) juillet, 27 août (Warszawa) 2023
Johann Sebastian Bach : Partita pour clavier n° 6, BWV 830
Karol Szymanowski : Mazurkas, opus 50 n° 3, n° 4, n° 5, n° 7 & n° 8
Anton Webern : Variations, opus 27
Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 31, opus 110

Piotr Anderszewski (piano)


P. Anderszewski (© Simon Fowler)


La trente-huitième édition du Festival de Radio France Occitanie Montpellier, placé désormais sous la direction de Michel Orier, réunit plusieurs pianistes de renom, Alexandre Kantorow, Bertrand Chamayou, Kevin Chen, Alexander Melnikov, Fazil Say, Alain Planès ou encore, comme ce jeudi, à l’Opéra Comédie, Piotr Anderszewski pour un récital diffusé en direct, sur France Musique, retransmission probablement polluée par les horripilantes perturbations sonores, survenues surtout en seconde partie. Il fallait pourtant un calme absolu pour apprécier ce programme cohérent et profond, ainsi que le jeu méditatif et subtil du pianiste.


Quoi de plus ordinaire que de débuter un récital par une œuvre de Bach ? L’exécution, d’une grande concentration de propos, de la Sixième Partita (1730) résume les traits distinctifs de cet interprète qui s’attache à en restituer minutieusement la conception ferme et la nature expressive. Si ce piano paraît maniéré, il n’en est rien, en réalité. S’appuyant sur de solides fondations, cette lecture assez personnelle, mais convaincante, se caractérise surtout par son intériorité, le chant confinant, parfois, au murmure. Le pianiste restitue avec clarté et éloquence, sans adopter un ton péremptoire – attitude, de toute façon, contre sa nature – l’harmonie complexe, et pourtant naturelle, de cette musique. Et l’art souverain avec lequel il extrait de splendides sonorité de son instrument suscite l’admiration. Une interprétation probablement discutable sur le fond, mais d’une impeccable facture.


Piotr Anderszewski ne retient que cinq des vingt Mazurkas (1924‑1925) de Szymanowski, les Troisième, Quatrième, Cinquième, Septième et Huitième, même pas jouées dans cet ordre. Nous aurions aimé l’entendre plus longuement dans ce répertoire, dans son arbre généalogique, afin de savourer les admirables jeux de sonorités qu’il parvient, sans difficulté apparente, à distiller tout au long de cette sélection. Son jeu précis met en exergue le raffinement et la richesse de l’écriture de ce compositeur, tandis que sa sensibilité révèle le pouvoir d’évocation de cette musique à la parure, toutefois, un peu trop terne dans cette lecture plus analytique que passionnée.


Dans la seconde partie, l’interprète enchaîne directement la Trente‑et‑unième Sonate (1821) de Beethoven sur les Variations (1936) de Webern, ces dernières véritablement glaciales et austères sous ses doigts. L’intérêt de cette démarche se trouve dans le renforcement du contraste, et de l’effet psychologique qui en résulte, entre la fin de cette brève œuvre dodécaphonique et le début de cette sonate. Le pianiste prend le temps, dans celle‑ci, de révéler, avec une certaine pudeur, les audaces presque expérimentales de l’écriture. Cette interprétation, qui adopte parfois des allures schubertiennes, en particulier dans son cheminement émotionnel, laisse une plus grande impression d’évidence qu’à Liège il y a quatre ans, attirant là aussi l’attention par ses contrastes, néanmoins toujours maîtrisés, en particulier dans la fugue, progressivement et minutieusement conduite du chuchotement à l’éclat.


Une distance, voire un fossé, semble séparer ce pianiste du public, mais il se montre généreux au terme de son récital. Quatre pièces complètent ce programme en guise de bis, le pianiste se contentant de prononcer au préalable le nom du compositeur, en l’occurrence Bartók, Beethoven et Bach, deux fois. Décidément, pour ce pianiste à la parole rare, l’essentiel réside dans la musique.


Le site du Festival de Radio France Occitanie Montpellier
Le site de Piotr Anderszewski



Sébastien Foucart

 

 

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