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Dépannage défectueux

Baden-Baden
Festspielhaus
06/10/2023 -  et 9, 11 juin 2023 (Rotterdam)
Aaron Copland : Fanfare for the Common Man
Maurice Ravel : Concerto pour piano en sol majeur
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 « Pathétique », opus 74

Seong‑Jin Cho (piano)
Rotterdams Philharmonisch Orkest, Lahav Shani (direction)


L. Shani (© Andrea Kremper)


On attendait avec curiosité le Concerto en fa de Gershwin interprété par Daniil Trifonov, pianiste certes à haut potentiel mais dont les affinités avec ce répertoire américain ne paraissent pas d’emblée évidentes. Apparences au demeurant peut‑être trompeuses, Daniil Trifonov, certes natif de Nijni‑Novgorod, résidant aujourd’hui principalement à New York, et ce déjà depuis largement plus de dix ans...


Mais, ce soir, on n’a droit, en définitive, ni à Trifonov, ni à Gershwin, le pianiste russe ayant déclaré forfait, et son remplaçant de dernière minute, le Coréen Seong‑Jin Cho, ne pouvant proposer que le Concerto en sol de Ravel. Un concerto au demeurant relativement proche, et par le style, moderniste et teinté de jazz, et par la date de création (1925 pour Gershwin, et 1932 pour Ravel), mais quand même beaucoup plus fréquent au concert. Et là, les comparaisons sont cruelles, Seong‑Jin Cho ne pouvant proposer qu’une exécution d’un intérêt musical limité, qui ne dépasse que rarement l’effet produit par quelques brillantes gerbes de notes. Les traits filent droit, sonnent sec, et le pire est atteint dans la cantilène du deuxième mouvement, cette « grande phrase qui coule », dont il est si difficile de trouver la bonne pulsation. Ici l’échec est patent, le compromis entre l’inexorabilité de la main gauche et les subtiles inflexions de la main droite n’étant jamais satisfaisant, avec à la clé des variations de tempo et de dynamique qui paraissent tout simplement gratuits. Lahav Shani et l’Orchestre philharmonique de Rotterdam essaient bien de faire bonne figure, mais avec un soliste aussi peu inspiré, la tâche est difficile. On aura rarement pu entendre, dans l’Adagio assai, un solo de cor anglais aussi mal valorisé par les triples croches du pianiste, qui dévide sa partition mécaniquement, comme s’il n’en avait pas perçu le possible substrat poétique. Et même impression de vacuité dans « Octobre », bref bis extrait des Saisons de Tchaïkovski, l’interprétation semblant continuellement raide et ligneuse, comme dépourvue de chair.


En ouverture, la très patriotique Fanfare for the Common Man d’Aaron Copland aurait eu évidemment davantage de pertinence à précéder le concerto de Gershwin qu’un concerto de Ravel. Mais ce rare portique cuivré reste une belle entrée en matière, surtout quand il est défendu par une brillante rangée de cuivres. Cela dit, ceux de Rotterdam n’ont pas vraiment la vigueur voire l’infaillibilité de ceux d’une phalange américaine, Lahav Shani se bornant à coordonner les attaques avec une bonne précision, sans obtenir non plus des percussions, timbales et grosse caisse, un impact vraiment tellurique. Même si la tenue de l’ensemble demeure honorable et sans débraillé, on reste loin de la puissance qu’il est possible d’atteindre dans cette pièce, telle par exemple celle déchaînée naguère par James Levine à la tête des cuivres du New York Philharmonic (un document à connaître absolument).


Seconde partie de concert plus nourrissante, avec un bel investissement collectif de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam dans la Sixième Symphonie de Tchaïkovski. Décidément cet orchestre est une belle phalange, d’une sécurité et d’une distinction de timbres qui supporte la comparaison avec son prestigieux rival du Concertgebouw d’Amsterdam, distant d’à peine 90 kilomètres. De surcroît les musiciens et Lahav Shani se connaissent bien et s’apprécient, d’où une coordination facile, y compris quand la gestuelle du chef n’est pas d’une précision voire d’une déchiffrabilité évidentes. Ici la collaboration relève beaucoup plus de l’art de faire de la musique ensemble que d’une hiérarchie à sens unique, avec à la clé des moments d’exaltation collective vraiment extraordinaires (dont le Scherzo, tellement bien rodé et vrombissant que les applaudissements importuns de fin de mouvement deviennent pardonnables), mais aussi quelques imprécisions de détail, perceptibles çà ou là, mais vénielles. On apprécie de toute façon un sens de l’avancée souverainement musical, avec une construction logique, les idées successives s’imbriquant en parfaite cohérence. De quoi dépouiller Tchaïkovski de tout oripeau sentimental, en lui laissant simplement sa dignité de compositeur symphonique, mais sans non plus rechercher une brutalité ou une sécheresse abrupte hors de propos. Vraiment un très bel équilibre, et l’une des plus belles exécutions de cette symphonie dont on se souvienne, du moins ici, à Baden‑Baden, où elle réapparaît sur les programmes relativement souvent.



Laurent Barthel

 

 

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