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Feu sacré

Baden-Baden
Festspielhaus
06/09/2023 -  et 8 juin 2023 (Saint-Denis)
Wolfgang Amadeus Mozart : Bella mia fiamma... Resta, o cara, K. 528
Arnold Schoenberg : Verklärte Nacht, opus 4
Ludwig van Beethoven : Ah perfido!, opus 65 – Symphonie n° 5 en ut  mineur, opus 67

Christiane Karg (soprano)
Mahler Chamber Orchestra, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons, C. Karg


Festspielhaus de Baden-Baden faiblement rempli, en ce vendredi soir, en dépit d’une affiche alléchante. Le simple nom de Schoenberg aurait-il fonctionné comme un épouvantail ? Pourtant, La Nuit transfigurée, surtout aussi limpidement exposée qu’ici par le Mahler Chamber Orchestra sous la direction d’Andris Nelsons, ne devrait plus effrayer personne. On y apprécie une belle conduite des lignes, le chef paraissant à tout moment garder le contrôle des phrasés en vue d’une expressivité maximale, au prix parfois d’un manque d’unité, le discours paraissant un peu décousu. Et puis une relative acidité des cordes aiguës gêne aussi un peu, alors qu’altos et violoncelles ronronnent luxueusement. Peut‑être une conséquence retorse du remplissage insuffisant de la salle, qui, de fait, ne sonne pas aussi bien que d’habitude ? En définitive, l’effectif du Mahler Chamber Orchestra, à mi‑chemin entre le sextuor à cordes pour lequel La Nuit transfigurée a été conçue à l’origine, et le grand format symphonique de certaines versions discographiques restées mythiques, s’y retrouve en situation inconfortable, tantôt trop sonore, tantôt pas assez nourri, le bon compromis restant difficile à trouver.


Entre le 1er et le 12 juin, cette tournée du Mahler Chamber Orchestra s’est assurée le concours de deux solistes : le pianiste Lang Lang, pour le Troisième Concerto de Beethoven à Amsterdam, Düsseldorf, Vienne, Berlin, Hambourg et Francfort (avec ces concerts entièrement Beethoven, et un pianiste hyper-médiatisé, sans doute moins de craintes à avoir pour le remplissage de la salle !), et la soprano allemande Christiane Karg, pour des airs de concert de Mozart et Beethoven, à Saint‑Denis et Baden‑Baden. Une voix que l’on connaît bien, avec sa flexibilité et sa luminosité, mais aussi ses limites en ampleur et en rondeur. Surtout pour le périlleux Ah perfido! de Beethoven, qui requiert en principe une projection plus dramatique, on redoutait une certaine insignifiance. Or Christiane Karg n’y démérite pas, même si le manque de carrure de l’aigu ne lui permet pas d’y dépasser le stade d’une interprétation davantage véhémente que réellement impressionnante. Surprise, c’est plutôt dans Mozart, a priori plus adapté, que le chant s’essouffle et l’inspiration tire à la ligne, peut-être aussi parce que Bella mia fiamma reste un air de concert... déconcertant, avec ses fragments d’arioso qui partent dans toutes les directions. Andris Nelsons accompagne bien, limite les volumes, crée des moments de respiration, bref entretient toutes les illusions possibles pour faire paraître une telle voix en situation, sans y parvenir complètement. Partenariat au demeurant visuellement assez comique, entre une soprano toute fluette et un chef dont la silhouette devient chaque année plus massive.


En termes codés et percutants, selon une vieille habitude du Mahler Chamber Orchestra, la tournée s’intitule « TOUR #404 FATE », accent accrocheur mis sur la conclusion du programme : la Cinquième Symphonie de Beethoven. Et là, autant l’orchestre que le chef paraissent enfin à la hauteur de leur réputation. On en est déjà à la septième exécution de la tournée, les musiciens sont brillants, les enchaînements s’effectuent au quart de tour, et puis surtout Andris Nelsons maîtrise bien le sujet, en évitant tout à la fois trop d’emphase et trop d’effets claquants et secs. Les compromis sont idéaux, et la clarté des plans sonores, favorisée par un effectif orchestral intermédiaire, participe à cette impression d’évidence. On apprécie aussi la mutation de style d’Andris Nelsons, dont la gestuelle s’est beaucoup assagie, vraiment centrée maintenant sur l’efficacité du travail d’orchestre et non plus parasitée par des signaux gratuits envoyés à la salle. Et puis quel plaisir que de voir engagés dans une telle symphonie, si essentielle au répertoire et pourtant tellement difficile qu’elle s’est beaucoup raréfiée dans les programmes, autant de musiciens manifestement passionnés par ce qu’ils sont en train de jouer.


En particulier, on ne perd pas des yeux le premier violoncelle, Frank-Michael Guthmann, qui continue à occuper le même poste à l’Orchestre du SWR de Stuttgart, mais qui retrouve ici un entrain, voire un feu sacré, qu’on ne lui connaissait plus depuis longtemps, du moins au premier rang de son orchestre « fusionné ». Sur le site du Mahler Chamber Orchestra, la brève biographie du violoncelliste badois, présentée sous forme d’interview, en dit long sur des plaies toujours pas refermées : « Quel est votre souvenir le plus marquant avec l’orchestre ? Jouer la Cinquième Symphonie de Schubert en juin 2015 au festival d’Aldeburgh avec François‑Xavier Roth, qui était à cette époque également le chef principal du SWR Sinfonieorchester de Baden‑Baden et Fribourg – mon ancien orchestre qui, pour de bien tristes raisons politiques, n’existe plus. C’était l’un de mes premiers concerts avec le Mahler Chamber Orchestra et on m’avait déjà demandé si j’étais intéressé par le poste de violoncelle solo de l’orchestre. Au cours de ce concert, j’ai réalisé que j’en avais vraiment envie. ».


Eh oui, la passion, l’envie... des ingrédients décidément essentiels pour jouer Beethoven !



Laurent Barthel

 

 

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