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Une diva passe

Baden-Baden
Festspielhaus
06/03/2023 -  
Airs, duos et intermezzi de Verdi, Massenet, Leoncavallo, Giordano et Puccini
Sonya Yoncheva (soprano), Giovanni Sala (ténor)
Philharmonie Baden-Baden, Nayden Todorov (direction)


S. Yoncheva, N. Todorov, G. Sala (© Andrea Kremper)


Une seule star pour ce gala lyrique : la soprano bulgare Sonya Yoncheva. Initialement était prévu aussi un relatif contrepoids en la personne du ténor italien Riccardo Massi, aux moyens plutôt conséquents, mais qu’il a fallu remplacer au dernier moment par un ténor plus jeune et plus frêle, encore davantage cantonné à un rôle de faire‑valoir. Cela dit, Giovanni Sala, 31 ans, protégé de Riccardo Muti, se comporte bien, avec un voix intéressante et correctement timbrée, pas trop fluette, et une belle aisance dans l’aigu, donc en définitive un relatif rééquilibrage.


On constate aussi un bon potentiel du côté de la Philharmonie de Baden‑Baden, modeste orchestre local, dirigé avec sang‑froid et expérience par le chef bulgare Nayden Todorov. Une véritable compétence de musiciens accompagnateurs, une petite harmonie robuste, des cordes pas très fournies en nombre mais plutôt assurées... de quoi passer de bons moments, même ceux dévolus à l’orchestre seul.


Le programme est consacré surtout au vérisme, avec une incursion française chez Massenet, ce qui permet heureusement de contourner les sempiternelles ouvertures des Vêpres siciliennes, Force du destin, Nabucco et Norma, remplissages favoris des récitals lyriques italiens, au profit d’intermezzi plus courts et d’une substance musicale plus subtile, les effets orchestraux s’avérant en ce cas davantage mélodiques que percutants. On notera ainsi l’excellente tenue de la « Méditation » de Thaïs, interprétée par Yasushi Ideue, premier violon de la phalange, de la « Scène de sabbat » extraite de Le Villi de Puccini, ou encore des intermezzi de Paillasse de Leoncavallo et de Manon Lescaut de Puccini.


Donc un vérisme pris au sens large, puisque le programme inclut, avec trois extraits de Thaïs de Massenet, une conséquente partie française de la même époque. Et puis le menu s’infléchit aussi du fait d’une incursion imprévue dans La Traviata de Verdi. Mais là c’est surtout parce que le ténor a changé, et qu’il a fallu adapter le programme aux possibilités d’une voix plus légère. En l’état, Giovanni Sala est surtout en mesure de briller dans le rôle de Rinuccio de Gianni Schicchi (la délicieuse chanson « Firenze è come un albero fiorito ») et dans celui d’Alfredo de La Traviata. En revanche, il manque un peu de substance pour Rodolfo de La Bohème, et pour Des Grieux de Manon Lescaut, que Riccardo Massi devait chanter : ses moyens actuels auraient sans doute été pris de court.


De la principale attraction de la soirée, on attendait mieux. Non pas tant sur le plan de la forme vocale, qui est bonne, sans ce léger grelot qui peut affecter les aigus de Sonya Yoncheva les soirs de fatigue. Le timbre est beau, voire opulent, cela dit, la tenue en scène de l’artiste paraît bizarre, très remuante, ce qui peut correspondre à une volonté d’éviter un certain statisme propre aux exécutions de concert, mais dérange surtout parce que la soprano chante souvent de profil, en regardant l’orchestre ou le chef, et donc amoindrit d’autant la projection de sa voix vers la salle. Par ailleurs la négligence de l’articulation gêne. Pas tant pour la partie française, l’air du miroir de Thaïs restant intelligible, en dépit de quelques voyelles trop ouvertes. Mais là où on s’attendrait quand même à un peu plus d’orthodoxie dans l’articulation, c’est‑à‑dire dans le répertoire italien, la préoccupation du beau son reste prépondérante, au détriment de l’engagement dramatique et du sens. C’est vraiment dommage, car une voix aussi belle ne se rencontre pas souvent, avec quelque chose de charnu et moiré dans le timbre qui nous rappelle nos souvenirs de Julia Varady, mais sans rien de l’investissement dans le mot chanté de cette dernière. « Sola, perduta, abandonata » de Manon Lescaut de Puccini n’émeut guère, en dépit du galbe idéal de la ligne, Mimi de La Bohème ne prend pas son envol, et même Siberia de Giordano, l’une des spécialités de la soprano, se dilue dans le beau son sans faire sens. Quant à l’autre air de Mimi, il paraît tellement peu caractérisé qu’on met un certain temps avant de s’apercevoir que, de fait, cette Bohème‑là n’est pas de Puccini, mais qu’il s’agit, bien sûr, de celle de Leoncavallo !


Peut‑être aussi faut‑il incriminer les limites d’un tel récital, où le chef se borne à accompagner le plus sûrement possible sa star d’un soir, sans avoir pu lui imposer auparavant un véritable travail de fond ? En tout cas ici, surtout de la part d’une voix aussi naturellement belle, quelque chose d’indolent, d’inachevé, voire de négligent, nous gêne continuellement.



Laurent Barthel

 

 

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