About us / Contact

The Classical Music Network

Liège

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Derrière le rideau de la Comédie-Française

Liège
Opéra royal de Wallonie
04/11/2023 -  et 14, 16*, 18, 20, 22 avril 2023
Francesco Cilea : Adriana Lecouvreur
Elena Mosuc*/Carolina López Moreno (Adriana Lecouvreur), Luciano Ganci (Maurizio), Mario Cassi (Michonnet), Anna Maria Chiuri (La Principessa di Bouillon), Mattia Denti (Il Principe di Bouillon), Pierre Derhet (L’Abate di Chazeuil), Luca Dall’Amico (Quinault), Aleander Marev (Poisson), Hanne Roos (Madamigella Jouvenot), Lotte Verstaen (Madamigella Dangeville), Benoît Delvaux (Majordome)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Christopher Franklin (direction)
Arnaud Bernard (mise en scène), Virgile Koering (décors), Carla Ricotti (costumes), Gianni Santucci (chorégraphie), Patrick Méeüs (lumières)


(© Opéra royal de Wallonie-Liège/Jonathan Berger)


La Comédie-Française à l’Opéra royal de Wallonie ? Mais oui. Pour sa mise en scène d’Adriana Lecouvreur (1902), qui n’avait plus été représenté dans ce théâtre depuis trente‑trois ans, Arnaud Bernard recourt aux bons vieux principes de la mise en abyme et de la règle des trois unités. L’action se déroule entièrement dans les coulisses, essentiellement la cage de scène, du célèbre théâtre parisien, dans un beau décor, admirablement éclairé, de Virgile Koering, transposée à une époque plus proche de celle de la composition – la Belle Epoque, en l’occurrence – que de celle durant laquelle a vécu cette légendaire actrice. Des machinistes viennent, à quelques reprises, entre les actes, monter quelques panneaux afin de créer des petits espaces de jeu, comme un salon bourgeois. Le spectacle alterne donc, grâce à ce beau dispositif, nonobstant la durée et le caractère bruyant de ces interventions techniques, entre grandiose et intime, entre agitation et intériorité.


Grâce au souci du détail du metteur en scène, et à sa direction d’acteur d’une efficacité toute conventionnelle, le spectateur suit facilement l’action tout en goûtant à l’animation particulière des coulisses d’un théâtre. Cette honorable production ne souffre d’aucune réelle faute de goût, à l’exception, peut‑être, de la tenue de pilote dans laquelle apparaît la princesse de Bouillon, clin d’œil un peu inutile aux progrès du début du vingtième siècle, et des costumes fantaisistes des danseurs, la chorégraphie ne constituant pas la composante la plus convaincante de ce spectacle. Elle présente toutefois un peu moins d’originalité, voire d’intérêt, que les précédentes, comme celles d’Hamlet, de La Somnambule ou du Turc en Italie. Mais Arnaud Bernard développe de légitimes intentions, et dresse de cette actrice un beau portrait, fin et nuancé, celle d’une femme d’extraction modeste, qui a certes connu une vie sentimentale mouvementée, mais qui est demeurée simple et honnête. Adrienne meurt, d’ailleurs, dans une tenue d’une blancheur angélique, toute de fragilité, le regard tourné vers le public, pas celui de la salle, mais celui, imaginaire, côté cour.


L’Opéra royal de Wallonie a réuni une distribution compétente mais moins réjouissante que celle des précédents spectacles de la saison. Les chanteurs convainquent, pour la plupart, dans leur rôle, mais sans offrir d’inoubliables performances, celles qui transforment comme par magie une bonne représentation en un grand moment à jamais gravé dans les mémoires. L’Adrienne Lecouvreur d’Elena Mosuc se démarque surtout par l’intelligence de la composition et la justesse de l’incarnation, mais son personnage ne possède pas tout à fait l’aura et le charisme attendus. Malgré quelques passages peu nets, le chant demeure assurément de bonne tenue, la chanteuse possédant suffisamment de graves pour incarner le tempérament et les tourments de l’actrice. L’adéquation entre les moyens actuels de la soprano et les exigences du rôle ne parait néanmoins pas évidente.


Luciano Ganci incarne, pour sa part, un Maurizio générique, modérément marquant, mais le ténor arbore un timbre séduisant et chante avec ce qu’il faut de style. A tous de points de vue abouti, le Michonnet de Mario Cassi suscite en revanche un enthousiasme sans réserve : le baryton délivre de ce beau personnage une incarnation idéale de simplicité, de noblesse et de naturel. Anna Maria Chiuri incarne une saisissante princesse de Bouillon, au ton sec, un personnage méprisable au service duquel elle met au service une voix idéalement corsée. Quant au rôle du prince de Bouillon, il présente trop peu de consistance pour permettre à son interprète, Mattia Denti, de faire valoir toutes ses qualités. Les autres petits rôles sont correctement caractérisés par des chanteurs compétents et soudés qui viennent régulièrement se produire sur cette scène ; Pierre Derhet campe ainsi un assez savoureux abbé de Chazeuil.


A la tête d’un orchestre au point, Christopher Franklin délivre de cette partition une lecture détaillée et contrastée, réussissant autant les passages pittoresques que les grandes envolées lyriques, sans épanchement, ni pathos. Cette musique, qui rappelle un peu celle de Puccini, tout en possédant une personnalité propre, sonne avec intensité et élégance, mais aussi avec finesse, sous la direction de ce chef consciencieux et inspiré. Quant aux chœurs, préparés par Denis Segond, ils répondent, comme souvent, aux attentes.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com