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Dérives et improvisations bouléziennes Paris Cité de la musique 04/16/2023 - Arnold Schoenberg : Begleitmusik zu einer Lichtspielszene, opus 34
Alban Berg : Altenberg-Lieder, opus 4 (arrangement Emilio Pomàrico)
Pierre Boulez : Improvisations sur Mallarmé I & II – Dérive 2 Yeree Suh (soprano)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)
M. Pintscher, Y. Suh (© Anne‑Elise Grosbois)
Donné dans le cadre de la troisième Biennale Boulez, ce concert assoit, s’il en était besoin, l’excellence de l’Ensemble intercontemporain : rares sont les formations – mêmes spécialisées – à pouvoir serpenter à travers les dédales de Dérive 2 (2006) sans y laisser des plumes. Arabesques bondissantes et attaques irisées s’inscrivent dans une réflexion sur le temps et le rythme dans le sillage de Ligeti et Elliott Carter (son dédicataire). La direction souple de Matthias Pintscher clarifie cet entrelacs de lignes inextricables, laissant s’épanouir l’esprit d’initiative des onze musiciens (succession de solos) lors des plages apparentées – mais oui – au modern jazz ! L’attention fléchit cependant au cours de ces quarante‑cinq longues minutes où l’écriture semble s’abîmer en digressions. Boulez y aurait‑il recyclé, à la faveur de la dernière révision, un matériau prévu initialement pour Répons ? C’est ce qui se murmure parmi les bouléziens de la plus stricte observance, dont les faveurs allaient sans exception aux Improvisations sur Mallarmé (1957). Celles‑ci bénéficient de l’aisance tout instrumentale de la soprano Yeree Suh, irrépréhensible tant au niveau de la justesse que de l’articulation. Les instruments (six percussions, piano, célesta, harpe), exploités pour leurs vertus résonantes, lui tissent une dentelle de frivolité : moments magiques, vraiment !
Si l’effet cumulatif de l’introduction et de l’accord figé du troisième lied en souffrent, l’arrangement d’Emilio Pomàrico (2008) pour orchestre de chambre des Altenberg-Lieder (1912) réussit à préserver la magie timbrique de Berg. Est‑ce une raison pour adopter un tempo avenant et une agogique si univoque ? Que la réduction de l’effectif engendre d’inévitables accommodements ne nous empêchera pas de déplorer le manque de soin accordé aux points névralgiques, comme le crescendo du dernier lied. Yeree Suh n’est pas en cause, dont le dialogue avec le piccolo d’Emmanuelle Ophèle (quatrième lied) provoque le frisson.
Quelques musiciens supplémentaires avaient déjà fait leur entrée dans la rare Musique d’accompagnement pour une scène de film (1930), seul lien de Schoenberg avec le monde du cinéma. Matthias Pintscher, tenue de gala et baguette à la main, en exalte moins les poussées expressionnistes qu’il n’en éclaircit les textures. Une option parfaitement viable, la dramaturgie de l’œuvre se greffant par surcroît au discours instrumental.
Jérémie Bigorie
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