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Un Français dans le Missouri

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Konzerthaus
03/25/2023 -  et 16 (Saint‑Louis), 26 (Bruxelles), 27 (Eindhoven), 28 (Amsterdam), 30 (Madrid) mars 2023
Serge Prokofiev : L’Amour des trois oranges : Suite opus 33a
Edvard Grieg : Concerto pour piano, opus 16
Serge Rachmaninov : Danses symphoniques, opus 45

Víkingur Olafsson (piano)
St. Louis Symphony Orchestra, Stéphane Denève (direction)


V. Olafsson (© Ari Magg)


Un public plus cosmopolite que d’ordinaire s’empresse dans la grande salle du Konzerthaus : le passage d’un orchestre américain y reste une relative rareté, les phalanges internationales faisant traditionnellement escale dans la Goldener Saal voisine. Saluons une fois de plus le dynamisme exceptionnel des équipes du Konzerthaus, qui sont parvenus à attirer et fidéliser nombre d’artistes au cours de cette dernière décennie.


Les pièces qui encadrent le programme sont toutes deux les œuvres de compositeurs russes émigrés, destinées au public américain ; cela justifie sans mal le choix décomplexé adopté par l’Orchestre symphonique de Saint‑Louis et son chef Stéphane Denève d’une lecture rutilante, dense, d’un impact immédiat et sans dureté. Cela fonctionne avec une extrême efficacité dans la suite de Prokofiev, qui s’enrichit de couleurs quasi ravéliennes (parfois avec des touches hollywoodiennes à la John Williams, un compositeur qui compte parmi les bons amis du chef français) ; la recette est toutefois un peu moins convaincante sur la durée des Danses symphoniques. Le contrôle de Stéphane Denève sur ses musiciens est pourtant absolument éblouissant : une technique de gestique phénoménale combinée à une infaillible acuité auditive lui permettent d’obtenir instantanément le son désiré avec une économie de moyens exemplaire, atteignant une balance des pupitres idéale à tout instant, même dans un auditorium que l’orchestre découvre à peine. Tout étudiant aspirant à tenir la baguette devrait assister de force à vingt heures de concerts dirigés par Denève – le monde de la direction d’orchestre y gagnerait assurément. Les dynamiques utilisées dans les pièces symphoniques dépassent souvent un confortable mezzo forte, transformant l’usage parcimonieux des pianissimos en marqueur de passages exceptionnels. L’intensité des phrasés est maintenue de bout en bout, depuis les attaques impeccables, avec prise de risque maximale, jusqu’à l’extinction des notes. Que manque‑t‑il donc ? Peut‑être un relâchement occasionnel, un abandon assumé, qui permettraient à la nostalgie et au féerique de s’exprimer plus librement – ainsi qu’à l’auditeur de reprendre son souffle : cela est particulièrement net dans les épisodes les plus dépouillés (par exemple le passage central du premier mouvement), qui perdent un peu de leur spontanéité langoureuse et de leur force émotionnelle.


La lecture du Concerto du Grieg est revanche un succès sans appel : Víkingur Olafsson et Stéphane Denève ont déjà bien mûri la pièce en concert en 2021, et ce travail de détail se perçoit immédiatement. La balance entre soliste et orchestre est excellente, la rythmique millimétrée, le rubato sans esbrouffe, autorisant tous les détails de la partition à émerger avec fraîcheur. La vision du pianiste islandais est comme à son habitude sans a priori, originale et pourtant authentique ; il est en fin de compte fabuleux de voir ces deux interprètes, chacun porteur d’une vision musicale aussi minutieusement précise et maîtrisée, se partager la scène avec une telle intelligence.


Vienne était la première étape d’une tournée européenne ; gageons que les publics belge, néerlandais et espagnol seront tout autant comblés dans les prochains jours.


Le site de l’Orchestre symphonique de Saint‑Louis



Dimitri Finker

 

 

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