About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Une hirondelle ne fait pas (toujours) le printemps...

Paris
Philharmonie
03/22/2023 -  et 24 (Genève), 25 (Bern), 26 (Zürich) mars 2023
Joseph Haydn : Die Jahreszeiten, Hob. XXI:3
Ana Maria Labin (Hanne), Moritz Kallenberg (Lukas), Sreten Manojlovic (Simon)
Les Arts Florissants, William Christie (direction)


(© Sébastien Gauthier)


Composé entre 1799 et 1800 et créé à Vienne en avril 1801, l’oratorio Les Saisons est une œuvre de Joseph Haydn (1732‑1809) des plus rafraîchissantes après la monumentale Création, conçue trois ans plus tôt. En lieu et place du couple mythique d’Adam et Eve, nous voici en effet face au jeune couple formé par Hanne et Lukas, deux jeunes paysans qui se pâment devant la simplicité de la vie et les beautés de la nature (une aube qui se lève, des chants d’oiseaux...), accompagnés par le quelque peu sentencieux Simon, ainsi que par un chœur (et un orchestre, on va y revenir) qui s’avère être un narrateur de tout premier ordre lorsque, tour à tour, il nous décrit les travaux des chants, loue l’ivresse due au vin lors des vendanges, nous narre la course effrénée des chasseurs à la suite d’un cerf finalement mis à mort, nous présente les activités des habitants d’un village lors des longues soirées d’hiver... Bref, une fois le concert fini, on ne peut s’empêcher de se dire que Haydn était véritablement un orchestrateur de génie et que sa plume nous a, à l’évidence, livré un pur chef‑d’œuvre.


Ce soir, pour l’interpréter, Les Arts Florissants sous la direction de leur créateur et mentor, William Christie. Le chef franco-américain n’est pas le premier chef baroque à diriger Les Saisons : Christophe Rousset, Philippe Herreweghe, René Jacobs, John Eliot Gardiner ou Nikolaus Harnoncourt entre autres l’ont fait avant lui. Nos attentes étaient peut‑être trop fortes mais l’interprétation globale n’aura finalement été que bonne, sans plus.


La première partie, regroupant le Printemps et l’Eté, avant l’entracte, aura même été médiocre à plus d’un titre. Dès les premiers accords introductifs, l’orchestre sonne petit (en dépit de la gestique parfois emphatique de William Christie), manque de netteté, souffre de plusieurs décalages et pâtit, chez les premiers violons, de problèmes de justesse récurrents. On a du mal à entrer dans l’œuvre et, d’ailleurs, le chœur des Arts Florissants ne possède pas la fraîcheur requise dans sa première intervention « Komm, holder Lenz » et n’a pas non plus la ferveur souhaitée dans le passage « Sein un gnädig, milder Himmel ! » ; c’est d’ailleurs étrange lorsqu’on sait quelles admirables interprétations les vingt‑six chanteurs peuvent nous livrer, eux qui ce soir manquèrent également de feu dans le célèbre chœur des paysans et des chasseurs (« Hört das laute Getön » dans l’Automne, pourtant bien réussi) ou de cet emballement tant attendu dans le non moins connu « Knurre, schnurre, knurre ! » (dans l’Hiver).


L’orchestre des Arts Florissants s’en tire mieux, en dépit là aussi (on y a déjà fait allusion) de plusieurs anicroches qui auront parsemé le concert, à l’image de cette intervention de Hiro Kurosaki lors du chœur concluant l’Automne, comme s’il avait voulu remettre l’orchestre en place mais en décalage avec la conduite de William Christie : moment de flottement et décalage assez étrange à ce niveau. Heureusement, la prestation générale aura tout de même été très bonne grâce notamment à quelques individualités remarquables, des cornistes Nicolas Chedmail et Nina Daigremont dans le chœur des paysans et des chasseurs (même si quelques notes échappèrent aux deux cors naturels, quel aplomb, quelle verve, quel enthousiasme !) au premier basson Claude Wassmer (dans l’air de Simon « Schon eilet froh der Ackermann » au sein de l’Eté) en passant par les premiers flûtiste et hautboïste (respectivement tenus ce soir par Charles Zebley et le toujours irréprochable Pier Luigi Fabretti), sans oublier l’inénarrable Marie‑Ange Petit aux timbales. Dans les tutti, les cordes marquèrent souvent le pas, l’orchestre des Arts Flo ayant ce soir davantage brillé pour ses vents venus en nombre, qui surent à la fois jouer sur le registre du grotesque (lorsqu’il s’agit d’imiter les oiseaux, le grillon ou le chien de chasse courant après sa proie...), de la finesse ou du grandiose.


Finalement, le concert aura surtout été marqué par les interventions d’un trio de solistes du plus haut niveau. Certes, la première intervention de Sreten Manojlovic (Simon) nous aura semblé un peu trop réservée mais le jeune baryton s’affirme immédiatement, caractérisant avec finesse le personnage de Simon, sentencieux et moralisateur quand il le faut, narrateur impliqué lorsque cela est requis (quelle spiritualité dans les récitatifs !). Qu’il s’agisse de l’air « Der munt’re Hirt versammelt nun » (dans l’Eté) ou de l’air « Seht auf die breiten Wiesen hin ! » dans l’Automne, Sreten Manojlovic aura vraiment été à la hauteur de son personnage.


Excellent également, le non moins jeune Moritz Kallenberg dans le rôle de Lukas ; là encore, son entrée en matière aura pu paraître un rien falote mais la suite nous le montra sous son meilleur jour, notamment lorsqu’il chanta avec les deux autres solistes (magnifique trio « Sie steigt herauf, die Sonne » dans l’Eté) ou dans le duo sublime avec Hanne, « Ihr Schönen aus der Stadt » (l’Automne), chanté avec beaucoup d’esprit et de légèreté, à l’image des deux jeunes amants en train de doucement batifoler.


Mais la révélation (pour notre part) de la soirée fut sans conteste Ana Maria Labin, qui chantait le rôle de Hanne. Surtout connue comme chanteuse mozartienne (sous la direction de Marc Minkowski) mais ayant également chanté Telemann ou Händel (avec Leonardo García Alarcón) comme Lehár et Wagner sous les baguettes respectives de Christian Thielemann et Bernard Haitink, la soprano suisse d’origine roumaine aura tout bonnement été idéale du début à la fin. Ayant déjà tenu le rôle de Hanne sous la direction d’Adam Fischer (voir ici), elle aura parfaitement su incarner cette jeune paysanne pleine de fraîcheur, un peu ingénue sans être naïve, sachant minauder (l’air fameux « Ein Mädchen, das auf Ehre hielt » dans l’Hiver) sans être caricaturale : une superbe interprétation !


Bilan quelque peu mitigé donc pour une équipe qui, notamment sur le plan orchestral, a besoin de s’affirmer davantage ; nul doute que ce programme approchera la perfection au fil de la petite tournée suisse qui attend Les Arts Florissants en attendant, paraît‑il, une future parution discographique.


Le site d’Ana Maria Labin
Le site de Moritz Kallenberg
Le site de Sreten Manojlovic
Le site des Arts Florissants



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com