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L’effet Noseda

Paris
Maison de la radio et de la musique
03/12/2023 -  
Serge Rachmaninov : Le Rocher, opus 7
Samuel Barber : Concerto pour violon, opus 14
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 1 en fa mineur, opus 10

Joshua Bell (violon)
Orchestre national de France, Gianandrea Noseda (direction)


G. Noseda


Gianandrea Noseda, directeur de l’Orchestre symphonique national de Washington et de l’Opéra de Zurich, qui vient d’être récemment prolongé dans ces deux institutions, est depuis plusieurs années un invité régulier de l’Orchestre national de France. Au programme en ce dimanche après‑midi, une intéressante association de pièces à la fois rares et de jeunesse, même si les hasards de la programmation parisienne ont permis d’entendre le Concerto pour violon de Barber à la Philharmonie deux jours plus tôt.


Dès le début de la fantaisie de Rachmaninov, qui démontre le talent d’un jeune homme d’à peine 20 ans, Noseda capte notre attention et maintient une tension jusqu’à l’ultime note d’une composition qui faisait l’admiration de Tchaïkovski. Le chef italien nous raconte une histoire dès l’entrée parfaitement maîtrisée des contrebasses dans un impressionnant pianissimo. Changement d’ambiance total avec l’entrée des bois dont la magnifique flûte de Silvia Careddu, puis des cors et de l’ensemble des cordes, qui chantent avec passion la rencontre de l’homme mûr avec la voyageuse, si l’en croit la trame de ce quasi‑poème symphonique inspiré de Tchékhov. Les nombreux changements d’ambiance sont menés avec maîtrise par le chef italien, sans jamais perdre la ligne d’une musique très contrastée. Evoquant Rimski‑Korsakov plus que Tchaïkovski, cette passionnante pièce contient déjà en germe le Rachmaninov de la maturité et se rapproche, dans l’esprit comme dans l’écriture, d’une autre composition symphonique elle aussi rare au concert, L’Ile des morts. L’Orchestre national de France répond à merveille aux sollicitations précises et passionnées du chef italien.


Place ensuite à Joshua Bell, qui fait merveille dans un Concerto de Barber anthologique. L’entente avec Noseda est évidente et l’équilibre soliste/orchestre permet de ne rien perdre de la partie de violon, qui est d’une incroyable richesse, et aussi d’entendre une étonnante et non négligeable partie de piano jouée depuis le fond de l’orchestre. L’Allegro initial brille de mille feux sous l’archet précis, juste et lumineux du célèbre violoniste américain. Le début de l’Andante, confié au hautbois, dans un probable clin d’œil au Concerto de Brahms, révèle un Barber plus mélancolique. Quant au court final, avec sa rythmique presque stravinskienne qui n’a de secret ni pour Joshua Bell ni pour Gianandrea Noseda, il emporte tout sur son passage. En bis, Joshua Bell offre avec le pianiste Franz Michel un arrangement du « Summertime » de Gershwin d’une grande sensualité.


La Première Symphonie de Chostakovitch n’a pas souvent les honneurs du concert. On sait que Noseda, ancien assistant au Mariinski, est un fin connaisseur de l’œuvre symphonique du compositeur russe qu’il est en train de graver avec le London Symphony Orchestra. Elle aussi composée à 20 ans, cette Première Symphonie fut créée par le chef Nikolaï Malko qui déclara avoir eu conscience « de tourner une nouvelle page de l’histoire de la musique ». Elle comporte quatre mouvements très contrastés : le premier mouvement sollicite tout l’effectif instrumental, qui peut particulièrement briller, notamment la trompette de Rémi Joussemet, récemment arrivé à l’orchestre, l’harmonie et les cordes qui ponctuent de pizzicati précis avant de se lancer dans une valse un peu triste puis de terminer en fanfare. L’Allegro est un scherzo d’allure ironique qui fait une belle place aux solistes des vents et vers la fin, au piano. Le Lento très mélancolique et le final, un peu décousu mais d’une grande tension, notamment à l’extrême fin, annoncent les symphonies plus tardives. A noter les belles interventions solistes de Luc Héry, premier violon, de sa collègue deuxième soliste Elisabeth Glab et de la première violoncelliste Aurélienne Brauner.


Un magnifique concert au programme intelligent et rare. Une très belle réussite à mettre à l’actif de Gianandrea Noseda, l’un des chefs les plus doués du moment et d’un Orchestre national de France très réactif, attentif et semblant heureux de jouer. Nul doute qu’on reverra cet enthousiasmant tandem l’année prochaine à Radio France.



Gilles Lesur

 

 

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