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Guerre et Paix à l’époque de la guerre en Ukraine

München
Nationaltheater
03/05/2023 -  et 9, 12, 15, 18 mars, 2, 7 juillet 2023
Serge Prokofiev : Guerre et Paix, opus 91
Andrei Zhilikhovsky (Prince Andrei Bolkonski), Olga Kulchynska (Natacha Rostova), Alexandra Yangel (Sonia, Un adjudant), Kevin Conners (L’hôte du bal), Alexander Fedin (Un laquais, Kaïssarov), Violeta Urmana (Maria D. Akhrossimova), Olga Guryakova (Madame Peronskaïa, Une commerçante), Mischa Schelomianski (Comte Ilia A. Rostov), Arsen Soghomonyan (Comte Pierre Bezoukhov), Victoria Karkacheva (Comtesse Hélène Bezoukhova), Bekhzod Davronov (Anatole Kouraguine), Alexei Botnarciuc (Lieutenant Dolokhov), Christian Rieger (Un vieux laquais, Second fou), Emily Sierra (Une femme de chambre), Martin Snell (Un valet), Christina Bock (Princesse Maria Bolkonskaïa), Sergei Leiferkus (Prince Nikolaï A. Bolkonski, Matvéiev), Alexander Roslavets (Le cocher Balaga), Oksana Volkova (La tzigane Matriocha), Elmira Karakhanova (Douniacha), Roman Chabaranok (Gavrila), Stanislav Kuflyuk (Métivier, Maréchal Berthier), Maxim Paster (Un abbé français), Dmitry Cheblykov (Denissov), Nikita Volkov (Tikhon Cherbaty), Alexander Fedorov (Fiodor, Adjudant du général Compans, Ivanov), Xenia Vyaznikova (Vassilissa, Mavra Kouzminichna), Soliste du Tölzer Knabenchor (Trichka), Dmitry Ulyanov (Maréchal Mikhail Koutouzov), Liam Bonthrone (Premier général allemand, Gérard), Tómas Tómasson (Napoléon), Bálint Szabó (Général Belliard, Maréchal Davout), Granit Musliu (Adjudant du Prince Eugène, Un jeune ouvrier), Aleksey Kursanov (Une voix en coulisse, Lieutenant Bonnet), Thomas Mole (Un aide de camp de Napoléon), Kevin Conners (De Beausset, Premier fou), Alexander Vassiliev (Ramballe), Csaba Sándor (Second général allemand, Capitaine Jacqueau), Andrew Hamilton (Un officier français), Mikhail Gubsky (Platon Karataïev), Jasmin Delfs, Jessica Niles (Deux actrices françaises)
Chor der Bayerischen Staatsoper, David Cavelius (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Vladimir Jurowski (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène), Elena Zaytseva (costumes), Gleb Filshtinsky (lumières), Ran Arthur Braun (assistant chorégraphe), Malte Krasting (dramaturgie)


(© Wilfried Hösl)


Voici une nouvelle production pour le moins risquée : Guerre et Paix est un opéra monumental été écrit en 1942 qui contient des textes de pure propagande stalinienne. Est‑il est possible d’écouter ces textes sans penser à la situation actuelle ? Ne faut‑il ne plus programmer ce type d’œuvre ?


Vladimir Jurowski, Dmitri Tcherniakov et Serge Dorny ont pris un soin particulier à s’exprimer par avance sur le fait de maintenir cette production plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine. Serge Dorny a insisté sur le fait que la distribution rassemble des artistes des deux pays. Vladimir Jurowski a expliqué que certains éléments ont été revus (et ainsi la scène où Koutouzov décide de brûler Moscou a été supprimée et le final triomphal a été joué par une fanfare d’instruments à vents un peu grotesques). Et ce n’est bien évidemment pas un hasard mais cette production était donnée le 5 mars, donc soixante‑dix ans après le décès de Prokofiev mais aussi de Staline.


Mais c’est au niveau de la production que la distance est la plus marquante. Comme pour la production de Genève en 2021, les deux parties se déroulent dans un décor unique, ici la salle des colonnes de la Maison des syndicats de Moscou, utilisée pour exposer les dépouilles de Lénine, Staline, Brejnev... et que va rejoindre Koutouzov à la fin de l’opéra. Dès le début, Tcherniakov peuple la scène de réfugiés d’où sortent les protagonistes ; nous ne sommes pas à l’époque des guerres de Napoléon mais bien de nos jours. La première partie surprend dans la mesure où ceux‑ci sont tous issus de la noblesse russe et sont un peu semblables. Mais la qualité de direction d’acteurs est particulièrement subtile et très fidèle à la richesse des personnages. Il faut voir ainsi la maladresse du Prince André mais aussi son émotion dans la valse avec Natacha, la complexité qu’il trouve dans la discussion avec Pierre Bezoukhovou l’ambiguïté avec laquelle son épouse arrive au bal. Une connaissance du roman de Tolstoï permet vraiment d’apprécier la subtilité de la mise en scène.


La seconde partie est encore plus impressionnante. Le début de l’acte de façon très théâtrale avec le chœur surgissant de l’obscurité. La scène de Napoléon est traité comme une farce parodique donnée pour le plaisir des spectateurs, retrouvant l’esprit de Tolstoï mais comment ne pas penser qu’aujourd’hui le pouvoir russe contrôle médias et narratifs, cachant au peuple russe la réalité de ce qui est toujours décrit comme une « opération spéciale »... Les scènes de guerre, la mort du Prince André puis l’encensement de Koutouzov sont saisissants.


En dépit de la taille de la distribution et comme c’est souvent l’occasion à l’Opéra d’Etat de Bavière, la distribution est simplement remarquable. Il faudrait citer tous les chanteurs. Mentionnons la fraîcheur de la Natacha de l’Ukrainienne Olga Kulchynska, l’autorité du Prince André d’Andrei Zhilikhovsky, la profondeur d’Arsen Soghomonyan en Pierre ou la beauté de la voix de Victoria Karkacheva en Helène. Parmi les petits rôles on retrouve, excusez du peu Sergei Leiferkus et Violetta Urmana. Que ceux qui ne sont pas mentionnés ne nous en veuillent pas. Ils sont tous formidables.


Les chœurs sont impressionnants de puissance et de couleur. Galvanisé par Vladimir Jurowski, l’orchestre est éclatant, tendre et moderne. Il connaît maintenant la salle et les ressources à sa disposition. Sa lecture est impressionnante.


Le public a fait un triomphe aux artistes. Dmitri Tcherniakov avait l’air surpris – il ne doit pas avoir l’habitude d’une telle réception. La production est visible sur arte.tv mais si vous le pouvez, venez à Munich. Comme pour la production du Nez de Chostakovitch, la situation actuelle se mêle à l’artistique, et quel résultat !



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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