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A revoir... et seulement à revoir

Paris
Opéra Bastille
01/17/2023 -  et 20*, 23, 26, 29 janvier, 1er, 4 février 2023
Richard Wagner : Tristan und Isolde
Michael Weinius (Tristan), Eric Owens (König Marke), Mary Elizabeth Williams (Isolde), Ryan Speedo Green (Kurwenal), Okka von der Damerau (Brangäne), Neal Cooper (Melot), Maciej Kwasnikowski (Ein junger Seemann, Ein Hirt), Tomasz Kumięga (Ein Steuermann)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Gustavo Dudamel (direction musicale)
Peter Sellars (mise en scène), Bill Viola (vidéo), Martin Pakledinaz (costumes), James F. Ingalls (éclairages)


(© Elisa Haberer/Opéra national de Paris)


C’était en 2005. Gerard Mortier, en affichant ce Tristan et Isolde où, du début à la fin, à la mise en scène épurée à l’extrême de Peter Sellars se superposait la vidéo de Bill Viola, faisait un de ces « coups » dont il avait le secret. Il y eut les pour et les contre, ceux qui, attirés malgré eux par l’image, n’arrivaient pas à se concentrer sur la scène, ceux qui saluaient le retour au mythe et son inscription dans la nature, la communion avec les quatre éléments, où du réalisme surgissait le symbole – la mer, par exemple, devenait lieu de fusion des corps. Dix‑huit ans après, on reste fasciné, même si on n’adhère toujours pas, au premier acte, à la séance d’initiation d’un couple qui semble hors de propos et installe, pour le coup, une dissonance entre la scène et l’écran. On admire chez Sellars l’économie signifiante des gestes, la façon de tout dire en isolant les personnages à l’intérieur de simples carrés de lumière, dans une sorte de rituel – les deux amants chantent l’hymne à la nuit comme des orants. On s’incline devant cet art de faire parler le noir, parce que Tristan est ici, comme chez Wagner, un immense nocturne. Ce Tristan, pourtant, reste proche de nous, quand le Marin ou le Pâtre avec son cor anglais, le chœur, la Brangaine des appels chantent de la salle, quand Marke traverse le parterre au premier acte : la démultiplication de l’espace fait du spectateur un acteur du rituel.


Le spectacle tirait sa force, en 2005, de la direction d’un Esa‑Pekka Salonen sublime, qui, à travers Tristan, anticipait Pelléas. Sans l’égaler, Valery Gergiev, Semyon Bychkov, Philippe Jordan se situaient très haut. Tel n’est pas le cas de Gustavo Dudamel, incapable de créer la moindre tension, se bornant à accompagner les chanteurs sans les porter, dénué de sensualité au deuxième acte, n’offrant que quelques très brefs moments de grâce ici ou là, attendant la mort d’Isolde pour inspirer enfin ses musiciens. Un très bel orchestre impeccablement tenu ne fait pas un Tristan. De quoi s’interroger une fois de plus sur sa vocation de chef de théâtre. Question de répertoire ? Sa Turandot, par exemple, avait laissé meilleur souvenir. Gustavo Dudamel était‑il vraiment le meilleur candidat pour l’Opéra de Paris ?


La distribution n’atteint pas non plus le niveau d’une grande scène internationale. Mary Elizabeth Williams, qu’on a pu apprécier ailleurs, en Abigaille de Nabucco par exemple, n’offre en Isolde qu’un timbre ingrat, des registres troués l’empêchant de phraser, des aigus forcés, autant de rédhibitoires défauts que ne peuvent racheter quelques belles demi‑teintes. La beauté du timbre, le modelé du phrasé, on les trouve chez Okka von der Damerau, avec de superbes appels au deuxième acte, de quoi faire regretter la pauvreté de la caractérisation. Le Tristan de Michael Weinius promet au premier acte, s’épuise malheureusement au deuxième, victime comme Isolde d’un orchestre oublieux de la modestie de leurs moyens. Il assure au troisième, soucieux de garder la maîtrise de sa voix, quitte à ne pas aller au bout des mots de la souffrance : on n’entend pas le délire de Tristan. Les derniers rois Marke de Bastille s’appelaient Franz‑Joseph Selig et René Pape : la noblesse fatiguée d’Eric Owens, de toute façon plus baryton que basse, ne fait que raviver leur souvenir. Et l’on attendrait Kurwenal plus tenu et passant mieux la rampe que l’honnête Ryan Speedo Green. Que Neal Cooper fasse un excellent Melot, que Maciej Kwanikowski raffine son Marin et son Berger, que Tomasz Kumięga se remarque en Pilote, ne change malheureusement pas grand-chose. Un Tristan à revoir, mais seulement à revoir.



Didier van Moere

 

 

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