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Diva sur divan

Milano
Teatro alla Scala
01/14/2023 -  et 17, 20*, 24, 27, 31 janvier 2023
Richard Strauss : Salome, opus 54
Wolfgang Ablinger‑Sperrhacke (Herodes), Linda Watson (Herodias), Vida Mikneviciūtė (Salome), Michael Volle*/Tomasz Konieczny (Jochanaan), Sebastian Kohlhepp (Narraboth), Lioba Braun (Ein Page der Herodias), Matthäus Schmidlechner, Matthias Stier, Patrick Vogel, Patrik Reiter, Horst Lamnek (Fünf Juden), Jirí Rajnis, Sung‑Hwan Damien Park (Zwei Nazarener), Alexander Milev, Bastian Thomas Kohl (Zwei Soldaten), Matías Moncada (Ein Kappadozier), Hyun‑Seo Davide Park (Ein Sklave)
Orchestra del Teatro alla Scala, Axel Kober/Michael Güttler* (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Carla Teti (costumes), Alessandro Carletti (lumières), Thomas Wilhelm (chorégraphie, reprise par Erika Rombaldoni)


(© Brescia e Amisano/Teatro alla Scala)


Pour ce début d’année, la Scala a programmé la reprise d’une production de Salomé qui a déjà une longue histoire derrière elle. Le spectacle aurait dû être initialement proposé en mars 2020, avant que la pandémie force le théâtre à fermer ses portes. En février 2021, une seule représentation est donnée dans une salle vide, covid oblige, pour être enregistrée par la télévision. Zubin Mehta aurait dû en assurer la direction musicale, mais, indisposé, le chef a dû céder la baguette à Riccardo Chailly. La reprise actuelle avait, elle aussi, été confiée au maestro indien, lequel, malade, a été contraint de laisser une nouvelle fois sa place sur le podium, à Axel Kober et à Michael Güttler en alternance. Si la mise en scène de Damiano Michieletto a subi plusieurs modifications par rapport à la version télévisée, le concept général est resté le même : l’artiste italien voit avant tout dans le chef‑d’œuvre de Strauss une tragédie familiale. Salomé a été abusée dès sa plus tendre enfance par Hérode, ce que suggère sans équivoque la célèbre « Danse des sept voiles », durant laquelle on voit Salomé adulte accompagnée d’une jeune fille vêtue de la même robe, toutes les deux passant dans les bras de multiples doubles du tétrarque. Un peu plus tôt, Salomé enfant, couchée dans son lit, recevait la visite de son beau‑père puis une paroi se refermait, laissant Salomé adulte désespérée de ne pouvoir entrer pour sauver son double. Un moment glaçant. Par ailleurs, une immense pierre tombale située à côté de la citerne dans laquelle est enfermé Jean‑Baptiste atteste que l’endroit a aussi servi de prison à Hérode Philippe, le père de Salomé, avant son exécution par sa femme et son frère. Le prophète devient donc ici une sorte de figure paternelle idéalisée. Et c’est dans cette même citerne que l’héroïne trouvera finalement la mort. On l’aura compris, c’est un spectacle très cérébral, introspectif et presque freudien qu’a conçu Damiano Michieletto, sur un plateau la plupart du temps vide, baigné de lumières crues. Parmi les nombreuses idées de cette mise en scène, on mentionnera une immense boule noire descendant des cintres qui symbolise la lune, des hommes à moitié dévêtus portant des ailes, sortes d’anges annonçant la mort, l’agneau blanc que tient Jean‑Baptiste dans ses bras ou encore la tête tranchée du prophète entouré d’un nimbe étincelant qui fait immanquablement penser à L’Apparition de Gustave Moreau. Un spectacle fort et intelligent, parfois violent, mais qui laisse finalement peu de place aux émotions, tant il est intellectualisé.


La direction musicale de Michael Güttler laisse, elle aussi, peu de place aux nuances, au raffinement et à la sensualité, tant elle est solide et énergique, mais précise et efficace, avec un son puissant qui couvre parfois les chanteurs. La Salomé de Vida Mikneviciūtė fait forte impression : véritable bête de scène, la soprano lituanienne campe une jeune fille rebelle et capricieuse, qui finit par se rendre compte des outrages que lui a fait subir Hérode et qui veut se venger coûte que coûte. Les aigus sont confondants de vigueur et de justesse, avec également un médium et un grave homogènes. Michael Volle imprime, lui aussi, une forte présence scénique au rôle du prophète, doublée d’une émission puissante et sonore, avec des accents énergiques. Linda Watson incarne avec brio une Hérodiade hautaine dans son manteau de fourrure, totalement indifférente et inhumaine. A ses côtés, l’Hérode de Wolfgang Ablinger‑Sperrhacke fait un peu pâle figure, le chanteur mettant sa voix claire et ductile au service d’un tétrarque lâche et velléitaire. Lioba Braun n’est pas exactement le page du livret, mais plutôt une servante d’un certain âge, qui connaît les moindres secrets de cette famille dysfonctionnelle et qui commente l’action ; c’est la seule qui montre un peu d’empathie vis‑à‑vis de Salomé. On mentionnera également le Narraboth tourmenté de Sebastian Kohlhepp, que Damiano Michieletto voit comme un bâtard d’Hérode.



Claudio Poloni

 

 

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