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Le phénomène Patricia Kopatchinskaja

Paris
Maison de la radio et de la musique
11/25/2022 -  
Győrgy Ligeti : Concerto pour violon – Mysteries of the Macabre
Olga Neuwirth : Masaot/Clocks without Hands
Gustav Mahler : Symphonie n° 10 : Adagio

Patricia Kopatchinskaja (violon, voix)
Orchestre philharmonique de Radio France, Maxime Pascal (direction)


P. Kopatchinskaja, M. Pascal (© Christophe Abramowitz/Radio France)


Depuis la performance mémorable de Barbara Hannigan, on n’avait entendu Mysteries of the Macabre interprété de manière aussi délurée. Si le programme indique « 1974‑1977, révision 1992 », on soupçonne Patricia Kopatchinskaja de jouer une version de son propre cru. La violoniste moldave, contrairement à la soprano et cheffe canadienne, n’est pas en résidence à Radio France ; cela ne l’empêche pas d’investir la scène comme si elle était chez elle. Pieds nus, visage peinturluré, elle joue du gosier (amplifié) et du violon dans ces trois airs extraits du seul opéra de Győrgy Ligeti (1923‑2006) où affleurent théâtre musical et humour potache. Elle peut compter sur la complicité des musiciens du Philhar’ et de Maxime Pascal, dont l’entrée décalée donne lieu à un (momentané) rappel à l’ordre des troupes. On n’en dira pas autant d’un Concerto pour violon (1990) à la mise en place flottante : quelques inadvertances de synchronisation, de rythmes, et une réactivité molle agissent comme autant de grains de sable dans la subtile mécanique d’horlogerie ligetienne. Il est vrai que le programme de ce soir est particulièrement riche et que cette partition complexe – sauf erreur, une entrée au répertoire de l’orchestre – ne s’assimile pas en un tournemain. Très sollicitée dans l’extrême aigu, la partie soliste séduit plus par l’exubérance des phrasés et les micro‑dérapages (contrôlés) que par la justesse. « Pat Kop » ne pouvant se résigner au texte, on aura droit à une cadence hors des sentiers battus. Quel phénomène !


Avec Masaot/Clocks without Hands (2014), dédié au Philharmonique de Vienne qui en assura la première sous la baguette de Daniel Harding (il existe un enregistrement chez Kairos), Olga Neuwirth (née en 1968) fait en quelque sorte le point sur les rapports amour/haine qu’elle entretient avec son pays – une constante autrichienne si l’on songe aux écrits de Thomas Bernhard et de l’amie Elfriede Jelinek. Entre cordes iridescentes, cliquetis de métronomes et chansons juives de la Mitteleuropa, s’esquisse le filtre de sa sensibilité aux mailles suffisamment lâches pour intégrer un vaste matériau mélodique entièrement retravaillé. N’empêche : pour variée qu’elle soit dans le traitement des forces en présence par le biais d’échappées solistes et de concertino de fortune, l’orchestration peine à justifier une tel effectif. Des longueurs ne tardent pas à s’inviter au cours des vingt‑cinq minutes que dure la pièce.


Maxime Pascal obtient de fort belles choses dans l’Adagio de la Dixième Symphonie (1910) de Mahler où les cordes – notamment les altos – se couvrent de gloire. Appuyée sur des tempos plutôt vifs et guidée par une conception limpide, sa direction constamment sostenuto fuit l’expressionnisme outrancier comme la distance objective (ici hors de propos) en vertu d’une économie serrée des contrastes, des gradations dynamiques et des ruptures – le climax ne décevra pas. Malgré une gestique qui, disons‑le, ne compte peut‑être pas parmi les plus gracieuses du circuit, le chef préserve l’équilibre entre les différents pupitres sans assécher l’émotion. Emotion manifestement partagée par un auditorium de la Maison de la radio bien rempli.



Jérémie Bigorie

 

 

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