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Tradition avec un « T » majuscule München Nationaltheater 11/17/2022 - et 20, 23*, 27 novembre 2022 Richard Strauss : Elektra, opus 58 Elena Pankratova (Elektra), Violeta Urmana (Klytämnestra), Vida Mikneviciūtė/Allison Oakes* (Chrysothemis), John Daszak (Aegisth), Károly Szemerédy (Orest), Bálint Szabó (Der Pfleger des Orest), Xenia Puskarz Thomas (Die Vertraute), Jasmin Delfs (Die Schleppträgerin), Kevin Conners (Ein junger Diener), Martin Snell (Ein alter Diener), Sinéad Campbell-Wallace (Die Aufseherin), Lindsay Ammann, Emily Sierra, Daria Proszek, Emily Pogorelc, Evgeniya Sotnikova (Mägde)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Stellario Fagone (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Vladimir Jurowski (direction musicale)
Herbert Wernicke (mise en scène, décors, costumes, lumières)
E. Pankratova, A. Oakes, K. Szemerédy, J. Daszak (© Wilfried Hösl)
Cette représentation est une reprise d’une production datant d’une vingtaine d’années réalisée par Herbert Wernicke qui nous a quitté en 2002. C’est lui qui avait été le partenaire de Claudio Abbado pour le Boris Godounov inoubliable du Festival de Pâques de Salzbourg, c’est lui qui avait travaillé avec Gerard Mortier à Bruxelles, Salzbourg puis Paris et Madrid pour des Chevalier à la rose, Troyens... La maladie l’a empêché de finir un Ring dans cette même salle.
Il n’y a pas dans cette lecture de remise en cause fondamentale des personnages et de l’histoire comme des metteurs en scène tels qu’un Tcherniakov nous ont aujourd’hui habitués. Il n’y a pas non plus cette direction d’acteurs très poussée comme celle réalisée par un Chéreau ou un Warlikowski.
Le concept central est cette écrasante dalle noire étouffante qui occupe toute la scène et qui pivote pour révéler les personnages. Il y a un certain statisme, Elektra bouge peu et reste au‑devant de la scène, ce qui aide considérablement le chanteuse qui doit maîtriser ce qui est une des partie les plus redoutables du répertoire. Mais la force des symboles est très réelle. L’apparition de Clytemnestre sur une lumière rouge sang est un vrai coup de théâtre saisissant. L’apparition des servantes rampantes comme des animaux, le retour de Chrysothémis parée de bijoux après la mort d’Egisthe..., toutes ces idées sont simples, efficaces et fortes. Munich mentionne toujours les équipes qui viennent remonter des productions anciennes mais ici, le seul nom qui est évoqué que ce soit pour mise en scène, costumes, décors et lumières est celui de Wernicke.
La distribution réunie pour cette reprise est de qualité munichoise. Elena Pankratova a déjà chanté ce rôle à Lyon lorsque Serge Dorny avait remonté la production de Ruth Berghaus. Elle a sans aucun doute la dimension et la technique de cette partie d’une incroyable difficulté. Les mots ne sont peut‑être pas très clairs comme nous le ressentions déjà dans son Ortrud salzbourgeoise, mais elle la couleur voulue, le dramatisme et des phrasés intelligents. Plus important, elle sait également communiquer. La scène centrale de la reconnaissance avec Oreste est réellement émouvante.
A ses côtés, Violeta Urmana nous rappelle pourquoi les grandes Kundrys deviennent souvent de grandes Clytemnestres : rare intelligence du texte et superbes graves. Allison Oakes remplaçait Vida Mikneviciūtė en Chrysothémis, ce qui ne doit pas être simple. Certaines scènes du début auraient peut‑être pu être un peu plus répétées mais le duo final avec Elektra montre le potentiel de cette chanteuse qui sera, excusez du peu, Sieglinde à Dresde sous la direction de Christian Thielemann l’an prochain. Comme toujours à Munich, les personnages secondaires issus de la troupe sont d’une grande solidité.
Vladimir Jurowski nous donne peut‑être une des lectures les plus satisfaisantes à ce jour. Sa lecture est dramatique et tendue. Il sait faire attention à la scène et par moments un peu accélère pour aider ses chanteuses. Les musiciens sont ici dans leurs éléments, les cordes savent trouver le style de Strauss. Il n’y a qu’à Vienne que l’on peut trouver une même maîtrise.
Voici en fin de compte une Elektra avec un « E » majuscule et une production « traditionnelle » mais avec un grand « T ».
Antoine Lévy-Leboyer
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