About us / Contact

The Classical Music Network

Madrid

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un spectacle hollywoodien et musicalement formidable

Madrid
Teatro Real
10/24/2022 -  et 25, 26, 28, 29, 30, 31* octobre, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 novembre 2022
Giuseppe Verdi : Aida
Krassimira Stojanova/Anna Netrebko/Roberta Mantegna (Aïda), Jamie Barton*/Sonia Ganassi/Televan Kemoklidze (Amneris), Piotr Beczala*/Yusif Eyvazov/Jorge de León (Radamés), Carlos Alvarez*/Artur Rucinski/Gevorg Hakobyan (Amonasro), Alexander Vinogradov*/Jongmin Park/Simón Orfila (Ramfis), Deyan Vatchkov*/David Sánchez (Le Roi), Jacquelina Livieri*/Marta Bauza (La Grande Prêtresse), Fabián Lara (Un messager)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Nicola Luisotti*/Diego García Rodríguez/Daniel Oren (direction musicale)
Hugo de Ana (mise en scène, décors, costumes), Vinicio Cheli (lumières), Leda Lojodice (chorégraphie), Sergio Metalli (vidéo)


K. Stoyanova, P. Beczala, J. Barton (© Javier del Real/Teatro Real)


Une distribution de haut niveau, une baguette et un orchestre raffinés, une mise en scène prétentieuse. On pourrait résumer ainsi le spectacle qui a marqué l’inauguration de la saison du Teatro Real, si on ne tient pas compte de l’Orphée de Glass, coproduction du Teatro Real mais dans un autre théâtre (voir ici).


Aïda est un bel opéra dont l’argument est l’histoire de la plupart des opéras du XIXe siècle : le ténor et la soprano s’aiment, mais ils appartiennent à des camps opposés ; il y a une mezzo intrigante et un baryton (ou basse) ennemi. Une histoire d’amour, quelque chose d’intime. Mais tout à coup, par les exigences du scénario et le moment et le lieu de la première, on y ajoute un tas d’éléments « grand opéra », des danses, ensembles, marches comme la marche triomphale... Et cela conditionne le reste de cet opéra (la part « intime »), parfois de façon définitive, et tout est au service du grand spectacle (comme dans le cas de la production de Hugode Ana), normalement d’une façon « vieille école ». La vieille école de la production de Hugo de Ana retient, quand même, beaucoup d’éléments modernes : par exemple, une vidéo formidable de Sergio Metalli (transparences, athlètes gigantesques...) ; formidable, mais parfois un peu écrasante, et on peut deviner là les lacunes de la mise en scène elle‑même. Mais la vidéo est aussi la mise en scène, pourrait‑on nous rétorquer... Enfin, l’apparat écrase les trois personnages (quatre, avec Amonasro) de l’action. Les décors du metteur en scène écrasent parfois aussi les masses, comme dans le tableau de la marche triomphale : pourquoi réduit‑on l’espace pour les mouvements, pourquoi entasser les danseurs, les acteurs et les protagonistes dans un espace si étroit alors que l’espace du Teatro Real est large et profond ? Les danses, ah, les danses ! Ridicules, très souvent : un aspect du grand opéra conditionnant le sens des situations dramatiques qui les entourent. En même temps, les formidables ensembles verdiens. On a l’impression que l’Egypte d’Aïda a été souvent inspirée par Cecil B. DeMille, pas par Jerzy Kawalerowicz. Mais, paraît‑il, DeMille s’est inspiré du kitsch opératique européen... il n’y a pas de salut !


Les quatre rôles principaux frôlaient la perfection. Verdi ne nous fait pas trop attendre pour savourer un de ses airs les plus connus, les plus beaux et les plus appropriés pour montrer les vertus d’un ténor : le Polonais Piotr Beczala a mis de la chaleur dans la production avec son « Celeste Aida », avec son beau timbre, sa capacité de phraser, son lyrisme... et son aigu final. Cela a marqué son personnage pour le reste du spectacle. Tout de suite, c’est le personnage d’Amneris qui a l’opportunité de se montrer, cette fois‑ci avec la voix dense de Jamie Barton, côté « grande école des voix graves ». Dans la mesure où le conflit est déjà ébauché, le personnage d’Amneris a l’opportunité d’affirmer ses apanages : une réussite pour la mezzo américaine. C’est Aïda, rôle‑titre, qui doit attendre à la fin du premier acte (sans trop compter le terzetto), mais son formidable air de clôture de l’acte nous prévient de la splendeur d’une voix privilégiée comme celle de la soprano bulgare Krassimira Stoyanova (Tatiana, Amelia, Marguerite...). Le trio des voix dramatiques, célestes, se défini avec cette distribution presque magique, où les rôles d’Aleksander Vinogradov en grand prêtre Ramfis et de Devyan Vatchov en Roi ne sauraient être oubliés. Mais il manque le grand personnage à la présence attendue et plus brève, mais décisive, Amonasro, le roi du royaume ennemi, le père d’Aïda. Carlos Alvarez, dans ce rôle crucial, a comblé les attente du public, avec sa voix d’une vigoureuse gravité pour ce personnage imprégné de haine et désir de vengeance.


On dirait que l’Orchestre du Teatro Real sonne de mieux en mieux, spécialement avec un chef comme Nicola Luisotti, brave dans les moments spectaculaires, mais surtout nuancé, raffiné dans les moments lyriques, intimes, comme le début de l’Ouverture (démenti par la grandeur inappropriée de la mise en scène), comme la scène du Nil (qu’on ne voit pas), comme le duo final du couple condamné à une mort atroce. Chœur formidable, dirigé par Andrés Máspero, produit d’un travail acharné, mais aussi inlassable. Les masses – danseuses, acteurs et actrices – se mêlent tant bien que mal dans l’action collective, parfois confuse. Le public a exprimé son enthousiasme à la fin de cette Aïda dont les atouts musicaux ne faisaient pas de doute.


Il y a trois distributions pour cette Aïda. On a vu la première, mais nous avons eu d’excellents échos, des autres. Dans la deuxième, il y avait Anna Netrebko, rien de moins.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com