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Décevante entrée au répertoire

Toulouse
Théâtre du Capitole
10/06/2022 -  et 9, 11*, 14, 16 octobre 2022
Antonín Dvorák : Rusalka, opus 114, B. 203
Anita Hartig (Rusalka), Aleksei Isaev (L’Ondin), Claire Barnett‑Jones (Jezibaba), Piotr Buszewski (Le Prince), Béatrice Uria‑Monzon (La Princesse étrangère), Fabrice Alibert (Le garde forestier, Le chasseur), Séraphine Cotrez (Le garçon de cuisine), Valentina Fedeneva, Louise Foor, Svetlana Lifar (Nymphes)
Chœur et Maîtrise du Théâtre du Capitole, Gabriel Bourgoin (chef de chœur), Orchestre national du Capitole de Toulouse, Frank Beermann (direction musciale)
Stefano Poda (mise en scène, décors, costumes, lumières), Paolo Giani (collaboration artistique)


(© Mirco Magliocca)


En ce début de saison, la création toulousaine de Rusalka (1901) fait figure d’événement, tant le chef‑d’œuvre lyrique de Dvorák s’impose désormais comme l’un des piliers du répertoire de toutes les grandes maisons d’opéra à travers le monde. On comprend pourquoi, tant la finesse et les différents niveaux de lecture du livret, adapté du conte la Petite sirène d’Andersen, permettent d’explorer la richesse du mythe dans toutes ses facettes, faisant le terreau de nombreuses transpositions audacieuses (voir notamment les lectures psychanalytiques de Stefan Herheim en 2014 ou Nicola Raab en 2019.


Acclamé à Toulouse en 2019 avec Ariane et Barbe‑Bleue de Dukas, Stefano Poda peine cette fois à cacher son manque d’inspiration par son brio visuel, dans une réalisation certes somptueuse, mais aux partis pris trop répétitifs sur la durée. Le metteur en scène italien choisit d’aller plus loin encore que Robert Carsen à Paris (voir la dernière reprise en 2019) en plongeant littéralement tous ses personnages, humains exceptés, dans un immense bassin : autour des chanteurs principaux, une multitude de naïades compose un ballet larvaire d’une lenteur hypnotique, mais qui tourne rapidement à vide à force de figures répétées, sans parler du bruit occasionné, très gênant pour suivre la musique. Outre un message écologique un peu trop appuyé, avec ces bouteilles en plastique qui envahissent le bassin au début du II, Poda a l’idée d’entourer le Prince et la Princesse étrangère de doubles énigmatiques, tous grimés comme eux. Le narcissisme de ces personnages est‑il ainsi moqué ? A moins que Poda ne suggère des visions cauchemardesques de Rusalka ? Aucune piste d’explication ne vient malheureusement étayer davantage cette proposition, pourtant intéressante.


Face à cette mise en scène mitigée, la principale déception de la soirée vient de la direction trop raide de Frank Beermann, incapable de différencier les nombreux changements d’atmosphère de Dvorák, au I surtout, entre évocation de la nature et irruption du merveilleux. Pourtant si convaincant dans la musique germanique (voir ses dernières prestations toulousaines dans Bruckner, Strauss ou Wagner), l’ancien directeur musical de l’Opéra de Chemnitz se concentre davantage sur la noirceur du drame, ralentissant volontairement le tempo au service d’une lecture analytique, très appuyée dans son assise de graves.


Le plateau vocal réuni ne convainc pas davantage, ce qui est inhabituel à Toulouse, où Christophe Ghristi a habituellement un goût très sûr. On est ainsi surpris du choix de la sonore Anita Hartig, incapable de traduire la fragilité de Rusalka au I, tant ses brusques changements de registre la handicapent pour phraser et poser sa voix avec harmonie. Si la voix en pleine puissance impressionne par son impact vocal, on a là une Rusalka bien peu subtile, qui aurait trouvé davantage à s’épanouir dans des rôles de caractère, tel que celui de Jezibaba. C’est précisément dans ce rôle que le chant trop sage de Claire Barnett‑Jones manque de mordant et de couleur, peinant aussi à passer la rampe. Si Béatrice Uria‑Monzon donne à sa Princesse étrangère une incarnation plus vibrante, c’est au prix d’un vibrato très prononcé. On lui préfère de loin le chant souverain d’Aleksei Isaev (L’Ondin), d’une noblesse d’âme aussi sincère que bouleversante. On aime aussi les phrasés habités de Piotr Buszewski (Le Prince), au timbre pénétrant, à qui il ne manque qu’un soupçon de puissance pour pleinement nous emporter. Tous les seconds rôles, au premier rang desquelles les superlatives Nymphes, donnent beaucoup de satisfaction tout du long, de même que le Chœur et la Maîtrise du Théâtre du Capitole, désormais dirigés par Gabriel Bourgoin.



Florent Coudeyrat

 

 

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