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Incolore et inodore

Paris
Opéra Comique
09/28/2022 -  et 30 septembre, 2*, 4, 6, 8 octobre 2022
Léo Delibes : Lakmé
Sabine Devieilhe (Lakmé), Frédéric Antoun (Gérald), Ambroisine Bré (Mallika), Stéphane Degout (Nilakantha), Philippe Estèphe (Frédéric), Elisabeth Boudreault (Ellen), Marielou Jacquard (Rose), Mireille Delunsch (Mistress Bentson), François Rougier (Hadji), Guillaume Gutiérrez (Un marchand chinois), François‑Olivier Jean (Un Domben), René Ramos Premier (Un Kouravar)
Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Agathe Mélinand (adaptation des dialogues), Camille Dugas (décors), Joël Adam (lumières)


S. Devieilhe (© Stefan Brion)


Lakmé, la fille du Brahmane, revient sur les lieux de sa création après plus de 1 600 représentations. Le soprano colorature français Sabine Devieilhe reprend ce rôle et y triomphe dans une production bien décevante de Laurent Pelly.


Le public de l’Opéra‑Comique, constitué majoritairement d’abonnés, est réputé le plus traditionnaliste de la capitale. Il faut un certain degré de sadisme pour le priver quand il vient voir Lakmé de Léo Delibes, opéra tellement ancré dans le contexte des Indes britanniques du XIXe siècle, de son kitsch intrinsèque. C’est pourtant ce qu’a fait Laurent Pelly, metteur en scène à qui l’on doit de grands souvenirs mais aussi quelques déceptions comme celle‑ci. On ne peut s’empêcher de rigoler quand Mistress Bentson, la gouvernante anglaise, vante les couleurs et les odeurs de l’Inde et que l’on voit évoluer des Hindous vêtus de gris dans un décor vide et triste. Pelly a caricaturé à l’extrême ces personnages anglais qui le sont naturellement par l’usage exclusif de dialogues parlés dans la version « opéra‑comique » , alors que les Hindous chantent des récitatifs. On croit assister à la parodie d’une opérette de Gilbert and Sullivan.


Soyons juste, on lui doit aussi des beaux moments comme la scène magistrale et très attendu de l’Air des clochettes. Toute la scène est chantée devant un écran qui montre en ombres chinoises l’histoire de la fille du paria chantée par Lakmé pour piéger l’officier anglais. La scène finale de la cabane dans la forêt est d’une tristesse désolante. On a l’impression d’assister à un butō, ces chorégraphies japonaises dont l’esthétique s’inspire du post‑Hiroshima...


Mais musicalement il s’agit d’une très belle représentation. Après son triomphe en 2014 sur cette même scène, Sabine Devieilhe reprend le rôle‑titre avec si c’est possible encore plus de finesse dans la caractérisation du personnage et son évolution spectaculaire au fil de la pièce, de sûreté dans la pyrotechnie vocale et d’humanité dans le chant. Dans l’Air des clochettes, elle intègre avec une science magistrale la virtuosité que tout le monde attend à la tristesse de la situation et de la légende qu’elle chante avec des couleurs magnifiques, au point qu’elle en fait quelque chose de tout à fait nouveau et troublant.


Frédéric Antoun revient aussi en Gérald avec de perceptibles problèmes vocaux, de justesse parfois, de difficultés d’émission mais on lui doit quelques belles répliques dans les duos. Stéphane Degout incarne Nilakantha avec peut‑être un peu trop de brutalité mais toujours une belle élégance. La distribution était soignée à l’extrême avec dans les silhouettes d’excellents chanteurs français : Mireille Delunsch impayable dans la revêche Mistress Bentson, François Rougier, déchirant de tendresse pour sa maîtresse dans le rôle d’Hadgi, et Philippe Esthèphe, magnifique Frédéric, compagnon anglais de Gérald.


Raphaël Pichon semble avoir maintenant totalement maîtrisé les pièges acoustiques de la fosse de de la salle, dirigeant avec finesse et beaucoup de délicatesse son orchestre Pygmalion. Cette fois ce sont les chœurs Pygmalion qui ont sonné trop fort dans les ensembles et pas toujours de façon intelligible.


Cette nouvelle production de l’Opéra‑Comique devrait être vue dans le futur à l’Opéra du Rhin et à celui de Nice Côte d’Azur.



Olivier Brunel

 

 

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