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Un classique et deux créations

Paris
Philharmonie
09/14/2022 -  
Lisa Streich : OFELIA (création)
Anders Hillborg : Skysong (création)
Helmut Lachenmann : Concertini

João Svidzinski (électronique Ircam), Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


(© Quentin Chevrier)


« Concertini est au répertoire contemporain ce que les symphonies de Bruckner sont au classique ! », assure Mathias Pintscher. Le directeur musical (pour sa dernière saison) de l’Ensemble intercontemporain (EIC) ne pécherait‑il pas par enthousiasme ? En attendant que l’avenir lui donne tort ou raison, ce statut de « classique » nous semble davantage rempli par Mouvement (– vor der Erstarrung) (1984), une pièce inscrite de longue date au répertoire de l’EIC et que Helmut Lachenmann (né en 1935), tel un nouveau Richard Strauss, cite dans Concertini (2005). L’œuvre appartient à la dernière manière du maître, qui intègre gestes et éléments mélodiques issus de la tradition, ceux-là même proscrits systématiquement dans la première phase de la Klang Komposition. Loin de se désavouer, Lachenmann a ainsi « survécu à sa propre révolution » – pour reprendre la formule de l’historien d’art Jean Leymarie au sujet de Picasso. Au « ton serein, léger, par moments presque enjoué » sur lequel insiste Max Nyffeler, on ajoutera l’artisanat souverain auquel est parvenu le compositeur dans cette partition de quelque quarante minutes. Difficile de la définir sans la trahir. Moins convulsive que celle de Mouvement, la musique « offre une richesse inouïe d’actions concertantes, enchevêtrées » où les objets trouvés sont davantage intégrés que dans la pièce pour orchestre Tableau (1988), laquelle les épinglait à dessein tels des papillons sur une plaque de liège. Sous la direction d’une insolente décontraction de Matthias Pintscher, les membres de l’EIC – dispersés entre la scène et le premier balcon – concilient rigueur et liberté, jeu solo et collectif.


A l’instar d’Ondrej Adámek et son Airmachine, Lisa Streich (née en 1985) travaille avec des instruments « mécaniques » de sa propre invention. Dans OFELIA, pour grand ensemble, piano motorisé et quatre haut‑parleurs, des microphones placés autour de la table d’harmonie restituent les grattements et les frottements de bandes de papier sur les cordes, donnant à l’auditeur l’illusion qu’il se situe au cœur du piano. Un écran prend visuellement le relai de ce qui se passe à l’intérieur lorsque le couvercle est refermé. Sébastien Vichard, placé à gauche, veille au bon déroulement de cette mécanique d’horlogerie. Dimitri Vassilakis, situé à l’opposé, tire de son piano des motifs très carillonnants, de conserve avec les percussions et la harpe (accordée en quarts de ton) de Valeria Kafelnikov. Le discours frappe par son caractère contemplatif et dolent – les cordes semblent parodier les musiques funèbres pour violes de la période élisabéthaine. Du moins ces textures de stase harmonique jamais envahissantes favorisent-elles cette plongée dans les entrailles de l’instrument, comme injurié de l’intérieur. « C’est à la fois un acte brutal et un geste d’amour », précise Lisa Streich... qui ne saurait inscrire plus ouvertement sa démarche dans le sillage de (son maître) Lachenmann.


Son compatriote et aîné Anders Hillborg (né en 1954) est une personnalité très connue dans son pays, la Suède, où ses pièces chorales sont régulièrement jouées. Sa musique d’orchestre bénéficie du soutien des plus grandes baguettes, comme David Zinman, Sakari Oramo ou Esa‑Pekka Salonen. Il faut dire que le style de Hillborg a tout pour séduire les grandes phalanges internationales : un savoir‑faire impeccable, une science achevée de l’orchestration, un sens manifeste du tactus. Autant de qualités présentes dans Skysong, pour ensemble. Sa manière n’est pas sans rappeler celle d’un Magnus Lindberg (né en 1958) dans cette écriture labile où se stratifient lames de fond aux cuivres, écumes scintillantes aux percussions et appels d’oiseaux aux vents. Les musiciens de l’EIC en restituent les différents courants, tantôt calmes, tantôt agités, grâce à la direction apte à changer de braquet de Pintscher.


Le site de l’Ensemble intercontemporain



Jérémie Bigorie

 

 

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