About us / Contact

The Classical Music Network

Vézelay

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

La chaleur revigorante de Giulio Prandi

Vézelay
Basilique
08/28/2022 -  et 23 août 2022 (Stresa)
Gioachino Rossini : Petite Messe solennelle
Marie Lys (soprano), Josè Maria Lo Monaco (mezzo‑soprano), Edgardo Rocha (ténor), Christian Senn (baryton)
Francesco Corti, Maria Shabashova (piano), Deniel Perer (harmonium), Ensemble vocal Anima, Guillaume Labois (direction), Coro Ghislieri, Giulio Prandi (direction)


G. Prandi (© Vincent Arbelet)


Se limiter aux seuls concerts de prestige, comme celui donné la veille, serait une grave erreur : parmi les délices offertes par les Rencontres musicales de Vézelay, trône le bal tsigane organisé sur la terrasse derrière la basilique, à l’instar des nombreux autres concerts gratuits dépassant les frontières de la « grande musique », pendant quatre jours. La fièvre a enflammé les festivaliers jusque tard dans la nuit – musiciens et célébrités (dont Lambert Wilson) venant se mêler chaleureusement au public.


Si les plus courageux ont pu se joindre le lendemain matin à l’interprétation participative d’une cantate de Bach, dans l’église voisine de Saint‑Père, les mines paraissaient plus réveillées à la mise en oreille d’avant‑concert, consacrée à la Petite Messe solennelle (1864) de Rossini. C’est l’érudit musicologue Nicolas Dufetel, aussi accessible que facétieux, qui nous embarque dans les délices d’ironie de Rossini, avec force extraits musicaux. On découvre un compositeur « retraité » au fait de sa gloire, qui profite de ses succès d’avant les années 1830 pour parader de salon en salon, tout en composant quelques Péchés de vieillesse aux titres volontiers farfelus.


Que faut‑il penser de sa dernière œuvre d’importance, cette messe qui n’est en rien petite ou solennelle ? Est‑ce un ultime pied de nez, comme pourrait le laisser penser la dédicace sibylline au « Bon Dieu » ? On peut le croire, tant l’ouvrage créé dans un salon avec tout le gratin parisien, Nonce compris, ressemble furieusement à un « dîner de cons » avant l’heure, avec sa musique opératique bien éloignée des canons sérieux de ses contemporains autrement plus fervents – Gounod et Liszt en tête. Quoi qu’il en soit, le compositeur semble vouloir tirer les ficelles dramaturgiques jusqu’au bout de sa vie, à l’instar du Rossini grimé en Monsieur Loyal, imaginé à Lyon en 2017 par Stefan Herheim pour La Cenerentola.


L’orchestration originale de la messe, réalisée pour deux pianos et un harmonium (pied de nez, là aussi ?), fait précisément ressortir l’humour du compositeur, notamment en son début péremptoire à la rythmique obstinée, bien soutenu par les tempi enlevés de Prandi. Le piano félin et dynamique de Francesco Corti, jamais avare de malice, est un régal tout du long, à juste titre vivement applaudi en fin de représentation. Le choix d’un Erard pour Corti, comme au disque, permet de se délecter de sonorités sombres et corsées, qui donnent beaucoup de caractère et de sensibilité à l’ensemble.


Corti est entouré de tous les autres interprètes déjà présents sur le disque gravé par Giulio Prandi l’an passé pour Arcana, à l’exception de la soprano Sandrine Piau et du second piano tenu par Christiano Gaudio. Les solistes apportent beaucoup de satisfactions dans l’ensemble, même si l’on note quelques problèmes de positionnement pour le suraigu de Marie Lys, très en voix par ailleurs. Outre l’aérien Edgardo Rocha, on aime le chant sensible et incarné de Josè Maria Lo Monaco (superbe Agnus Dei), tandis que Christian Senn apporte beaucoup d’humanité à son interprétation vibrante, malgré des passages de registres un peu brusque vers l’aigu poitriné.


Un rien trop bavard et inégal d’inspiration, cet ouvrage bénéficie de la finesse d’interprétation de Giulio Prandi, toujours aussi attentif aux moindres détails et nuances. Déjà invité l’an passé à Vézelay, dans un programme Galuppi/Vivaldi proche de celui entendu à Ambronay en 2015, le chef italien semble littéralement porter ses solistes : il faut le voir fixer son regard pétri de concentration sur ses chanteurs, notamment lors de leurs solos, prêt à intervenir à la moindre saute de mémoire, lui qui dirige sans partition. Avec son excellent chœur constitué de seize chanteurs, Prandi trouve des trésors de subtilité dans ses phrasés, portés par une attention au texte et à l’intention générale de Rossini – humour compris.


En bis, sa générosité éclate plus encore lorsqu’il invite les membres du chœur non professionnel Anima, basé à Pau, à le rejoindre sur scène. Le Kyrie initial est repris en totalité pour le plus grand bonheur de l’assistance, les quatre solistes se joignant aux chœurs pour ce moment de partage à nul autre pareil.



Florent Coudeyrat

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com