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Apothéose néoclassique

Amsterdam
Nationale Opera & Ballet
06/08/2022 -  et 10, 11 juin 2022

Metaforen

Hans van Manen (chorégraphie), Daniel‑Lesur (musique)
Ryoko Kondo (piano)
Jan var der Wal (décors, costumes), Jan Hofstra (lumières)


Sarcasmen
Hans van Manen (chorégraphie, décors, costumes), Serge Prokofiev (musique)
Mikhail Murach (piano)
Jan Hofstra (lumières)


Frank Bridge Variations
Hans van Manen (chorégraphie), Benjamin Britten (musique)
Keso Dekker (décors, costumes), Bert Dalhuysen (lumières)


Grosse Fuge
Hans van Manen (chorégraphie, costumes), Ludwig van Beethoven/Felix Weingartner (musique)
Jean-Paul Vroom (décors), Joop Caboort (lumières)
Het Nationale Ballet
Het Balletorkest, Jonathan Lo (direction musicale)




Le Nationale Opera & Ballet regroupe aux Pays‑Bas les deux compagnies nationales lyrique et chorégraphique dans le théâtre musical de la Waterlooplein. Si le Nederlandse Opera a, pour l’ouverture de la soixante‑quinzième édition du Festival de Hollande, joué la carte de la modernité avec un Freischütz très décoiffant mais passionnant réalisé par le Russe Kirill Serebrennikov (voir ici), le Nationale Ballet joue celle de la tradition en rendant hommage au quasi‑nonagénaire Hans van Manen, génie de la chorégraphie européenne dont les œuvres n’ont comme lui jamais pris une ride.


Quelle émotion en entrant dans l’immense hall de ce bâtiment, autrefois nommé Muziektheater ou Stopera, qui combine à Amsterdam mairie et théâtre musical, élevé au bord de l’Amstel sur la Waterlooplein il y a déjà trente‑six ans, de se trouver dans la file d’entrée derrière ce monsieur de petite taille et d’allure si juvénile qui fêtera en juillet ses 90 ans et qui a fait et fait encore la gloire de la danse néerlandaise. Il attend patiemment son tour comme tout le monde dans ce pays aux mœurs démocratiques pour assister au premier des quatre programmes de cet hommage que lui consacre la compagnie Het Nationale Ballet dont il est toujours vaste choreograaf (chorégraphe fixe, pérenne, pourrait‑on traduire) alors qu’une chaire qui portera son nom de danse vient d’être crée à l’Université d’Amsterdam. Son tour de gloire viendra à la réception suivant une soirée exceptionnelle après un discours élogieux du directeur du Ballet, Ted Brandsen, éloges que cet artiste décoré des plus hautes distinctions de son pays accueillera avec gentillesse et modestie.


Pour le seconde fois, la compagnie néerlandaise, qui fête cette année son soixantième anniversaire, consacre à son héros – il surpasse en gloire internationale les autres chorégraphes néerlandais, comme Sonia Gaskell et Rudi van Dantzig, et son œuvre lui survivra probablement très longtemps – un festival réunissant sur trois semaines et en quatre programmes dix‑neuf des plus belles parmi les plus de cent cinquante chorégraphies qu’il a signées. Cela avec la participation du Ballet Junior National, des compagnies Nederlands Dans Theater (NDT) 1 et 2, Introdans, du Ballet d’Etat de Vienne et des compagnies de Stuttgart et de Düsseldorf-Duisbourg (Ballet du Rhin).


Chacun des programmes est parfaitement équilibré et contient un des chefs‑d’œuvre absolus du maître. Le premier auquel nous avons pu assister s’achevait sur Grande Fugue, qui nous semble être le sommet de son œuvre, probablement l’apothéose de la danse néoclassique, réglé en 1971 pour le NDT 1 sur les Opus 133 (Grande Fugue) et 130 (Cavatine du Treizième Quatuor) de Beethoven dans une orchestration de Felix Weingartner. Dans cette pièce réglée pour quatre couples dans une abstraction totale de décors mais avec des éclairages miraculeux, tout colle à la musique, la pureté des lignes qui suivent l’écriture fuguée, la liberté d’expression des corps fondue aux lignes mélodiques de la Cavatine. On pourrait la résumer en un exercice de séduction dans la Fugue et sa résolution dans la tendresse avec la Cavatine. L’interprétation des huit danseurs est superlative tout comme la musique émanant de la fosse jouée par l’Orchestre du Ballet dirigé par Jonathan Lo. Cinquante ans ont pu passer sur cette pièce qui a fait le tour du monde et est la plus dansée de l’œuvre de van Manen, elle est aussi belle et moderne qu’au premier jour. La vraie modernité ne se démode jamais...


Autre morceau de résistance les Variations Frank Bridge (2005) dont le substrat musical est les onze Variations sur un thème de Frank Bridge de Britten, longues et superbement orchestrées, dont van Manen a retenu neuf pour réaliser une chorégraphie pour cinq couples alternant des mouvements d’ensemble linéaires très énergétiques à des duos très sensuels. Les pas collent au plus près de la musique et des géniales combinaisons instrumentales imaginées par Britten. Parmi les dix danseurs, on ne pouvait pas manquer de distinguer l’élégance et la distinction de la Pétersbourgeoise Olga Smirnova, qui a rejoint la compagnie néerlandaise dès la début du conflit russo‑ukrainien et dont c’était les débuts dans une pièce de van Manen.


Deux autres pièces plus courtes et totalement virtuoses ouvraient ce programme. Métaphores, sur les Variations (1947) pour piano et orchestre à cordes de Daniel‑Lesur, interprétées par Ryoko Kondo. Cette pièce pour douze danseurs, la plus ancienne de son répertoire à être toujours reprise, est très emblématique du style de van Manen avec l’utilisation de lignes, un usage constant de la symétrie, une belle fluidité et l’introduction de deux pas de deux, dont un pour deux hommes qui, à sa création par le NDT en 1965, donna lieu à une polémique. Sarcasmes (1981) sur les cinq pièces (1917) éponymes de Prokofiev, jouées sur scène par Mikhail Murach, est un autre duo emblématique et très souvent repris du chorégraphe combinant virtuosité, chic et humour dans un jeu de séduction très érotique et vénéneux pour un couple dont se distinguait formidablement le danseur deuxième soliste Timothy van Poucke, prompt à exalter toutes les idées chorégraphiques fusant dans cette pièce qui colle si bien à la musique si ironique de Prokofiev.


De cet hommage qui se poursuivra tout le mois de juin, il ne faudra pas manquer tant de réussites comme les plus récentes Pièces polonaises sur des musiques de Henryk Gorecki, que dansera la compagnie Introdans, les Trois Gnossiennes d’Erik Satie, bien sûr, qui comptent parmi ses plus grands succès (elle sont entrées au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris) et aussi les Cinq Tangos sur des pages d’Astor Piazzolla.



Olivier Brunel

 

 

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