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Immuable Elgar

Baden-Baden
Festspielhaus
05/01/2022 -  
Hector Berlioz : Ouverture « Le Corsaire », opus 21
Edward Elgar : Concerto pour violoncelle en mi mineur, opus 85
Robert Schumann : Symphonie n° 2 en ut majeur, opus 61

Sol Gabetta (violoncelle)
London Symphony Orchestra, Sir Simon Rattle (direction)


S. Gabetta, S. Rattle (© Michael Gregonowits)


Festspielhaus comble ce soir à Baden‑Baden, et ambiance « d’après crise » d’un optimisme réconfortant. Il est vrai qu’ à la fin de l’hiver 2020, Simon Rattle et le London Symphony Orchestra avaient été les derniers à se produire à Baden‑Baden, avant un lockdown de sinistre mémoire, et alors que les signes de pandémie commençaient déjà à enfler de façon inquiétante. Entre temps d’autres crises ont laissé des traces, dont le départ prématuré de Simon Rattle vers de nouveaux horizons munichois. Mais là les symptômes ont été déclenchés par une incurie politique, et non une affection virale. A une époque où les catastrophes de tous ordres semblent se superposer avec un malin plaisir, comment la culture pourrait‑elle échapper à tant de soubresauts déstabilisants ?


Pour l’heure, c’est encore au Sir Simon Rattle évoluant en eaux britanniques que l’on a affaire, somme toute assez différent de celui qui dirige une phalange allemande, les Berliner Philharmoniker longtemps, et à présent la Radio bavaroise à Munich. Surtout parce que les musiciens londoniens sont d’une réactivité hors pair, sans qu’il y ait forcément besoin de les stimuler voire de les remorquer du geste. Ici Rattle a certainement moins de mal à établir une ambiance de travail faite de confiance mutuelle et de décontraction, puisqu’il n’y a qu’à infléchir et suggérer, la machine orchestrale tournant déjà tout à fait bien toute seule, et même assez vivement. C’est patent dans l’Ouverture « Le Corsaire » de Berlioz, dont l’interprétation semble n’avoir pas varié depuis l’enregistrement de Colin Davis, il y a... trente‑six ans ! Les musiciens ont pour la plupart changé, mais sont restées intactes la fraîcheur des timbres, la netteté des découpes, la nervosité des attaques, comme une marque de fabrique. Rattle n’a plus qu’à insuffler encore davantage de peps à la lecture, et le tour est joué.


Même évidence pour la difficile Deuxième Symphonie de Schumann en seconde partie de programme, une œuvre que Rattle affectionne, et dont il sait mettre en valeur les moindres détails. Mauvais orchestrateur, Schumann ? Ce n’est pas faux, mais on n’en s’en rend assurément plus compte, tant tout sonne transparent, limpide, évident. Une clarté qui pour autant n’est pas synonyme de froideur distante, avec notamment dans l’Adagio, un chant inoubliable, d’une bouleversante noblesse épurée. Et beaucoup de style aussi dans la Pavane de Fauré accordée en bis, où brille le flûtiste Gareth Davies, avec son beau timbre rond, agréablement luxueux.


Sol Gabetta et Simon Rattle dans le Concerto pour violoncelle de Sir Edward Elgar. C’était déjà une affiche de 2014 au Festspielhaus de Baden‑Baden, avec les Berliner Philharmoniker. Et Gabetta est revenue en 2020, pour jouer ce même concerto, cette fois avec les Bamberger Symphoniker et Jakub Hrůsa. Décidément ! Cela dit, avec Elgar la prise de risque est minimale et ce soir le Festspielhaus est bien rempli, alors qu’à Strasbourg dix jours plus tard, quand Sol Gabetta ose le Concerto pour violoncelle de Lutoslawski, le Palais de la musique reste quasi vide. Sale temps pour l’originalité au concert, pourtant tellement plus payante à moyen terme !


En attendant, Sol Gabetta tourne en rond, mais joliment, approfondissant de plus en plus le sillon, dans un concerto qu’elle connaît maintenant comme sa poche et où elle brille par sa constante musicalité. Cela dit, les spécificités d’Outre‑Manche de cette musique, avec, toute révérence gardée, un fréquent abus de jelly qui distend les jointures, font que malgré les efforts de la soliste et de l’orchestre, on finit toujours pas décrocher à l’un ou l’autre endroit, l’esprit s’évadant ailleurs. Mais comme c’est toujours pour mieux se replonger ensuite, avec intérêt, dans cette belle partition aux couleurs un peu crépusculaires, ce n’est pas forcément grave. Cela dit, on reste un peu frustré, parce que cette fois, on s’était juré auparavant de bien se cramponner, mais décidément, rien n’y fait, l’œuvre reste glissante. Pour l’anecdote, on notera aussi de la part de Sol Gabetta, pourtant d’origine argentine, une allégeance à un certain chic vestimentaire britannique particulier. Son invraisemblable robe pyramidale la fait vaguement ressembler à un ange musicien du Fra Angelico : c’est très joli, mais un peu délirant. Au moment du bis, le Capriccio n° 5 de Ferdinand Dall’Abaco, Gabetta ne sait trop que faire du gros bouquet que l’on vient de lui remettre, le pose devant elle, s’asseoit... et immédiatement l’objet disparaît, englouti sous les plis de cette robe immense. Un petit escamotage involontaire, qui suscite de nombreux rires dans la salle.



Laurent Barthel

 

 

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