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Les hommes, l’amour, les femmes...

Tourcoing
Théâtre Raymond Devos
05/19/2022 -  et 21, 22* mai 2022
Camille Saint‑Saëns : La Princesse jaune, opus 30
Georges Bizet : Djamileh

Jenny Daviet (Léna), Sahy Ratia (Kornélis/Haroun), Aude Extrémo (Djamileh), Philippe‑Nicolas Martin (Splendiano), Maxime Le Gall (Le marchand d’esclaves), Sonia Duchesne (danseuse)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef de chœur), Les Siècles, François‑Xavier Roth (direction)
Géraldine Martineau (mise en scène), Salma Bordes (scénographie), Sonia Duchesne (chorégraphie), Olivier Oudiou (lumières), Léa Perron (costumes)


La Princesse jaune: J. Daviet (© Marie Pétry)


Au tour de l’Atelier lyrique de Tourcoing de monter cette production créée l’année dernière à l’Opéra de Tours. La Princesse jaune de Saint‑Saëns et Djamileh de Bizet partagent quelques points communs, ce qui incite à les regrouper. Il s’agit d’opéras en un acte, le second un peu plus long que le premier, tous deux sur un texte du même librettiste, Louis Gallet, et, de surcroît, exactement contemporains, car créés à quelques semaines d’intervalle, en 1872, salle Favart. L’emploi de couleurs orientalisantes dans l’orchestration rapproche également ces deux ouvrages qui traitent différemment la façon dont les hommes considèrent l’amour et les femmes.


Dans sa note d’intention, Géraldine Martineau, pensionnaire de la Comédie‑Française, développe une lecture pertinente pour cette thématique qui trouve, selon elle, et à juste titre, encore un écho aujourd’hui : « comment l’homme est capable de se créer des prisons mentales qui l’empêchent de vivre et d’aimer librement ». Dans l’opéra de Saint‑Saëns, Kornélis, qui fantasme sur une représentation d’une princesse japonaise, ne se rend pas compte des sentiments que Léna ressent pour lui. Dans celui de Bizet, Haroun, quant à lui, ne manque pas de femmes, car ce prince en a une nouvelle chaque mois. La dernière, Djamileh, une esclave, devient amoureuse de ce jouisseur et espère que ses sentiments sont réciproques. Mais cette mise en scène prudente, subtilement discrète, dégage un charme vraiment trop vaporeux, manque d’audace, voire d’érotisme. La direction d’acteur, assez soignée, accorde une certaine importance aux dialogues, suffisamment fluides et tout juste relevés. Malgré l’intérêt du projet et la qualité de la réalisation, la valeur dramatique de ces deux opéras paraît tout de même relativement ténue, et ce spectacle n’en dévoile pas totalement toute la vigueur. Les représenter en version de concert aurait probablement suffi, mais le public aurait alors été privé de la légère et jolie scénographie de Salma Bordes, éclairée avec soin et imagination par Olivier Oudiou, surtout dans Djamileh avec ces moucharabiés permettant de beaux jeux de lumières.


La distribution demeure identique à celle de la création tourangelle. Dans La Princesse jaune, la prestation de Sahy Ratia tend à éclipser celle, pourtant crédible et assurée, de Jenny Daviet. Le ténor malgache par la voix et le style se révèle idéal dans ce genre, comme il l’a prouvé, en janvier sur cette même scène, dans La Dame blanche. Ce chanteur doté d’un don évident pour la scène arbore, en outre, un timbre assez clair, mais pas trop nasal, et il parvient à conjuguer finesse du phrasé et précision de l’articulation. Il incarne aussi le prince égyptien dans Djamileh, dont le rôle‑titre requiert une chanteuse capable d’affronter un rôle comme Carmen, ce qui convient à Aude Extrémo, mezzo‑soprano à la voie riche et puissante, tout en se montrant capable de finesse, voire de retenue, ce qui fait légèrement défaut à sa performance. Philippe‑Nicolas Martin, qui commence à devenir une valeur sûre dans ce répertoire, convainc sans réelle réserve en Splendiano. Il faut noter la contribution relativement brève du comédien Maxime Le Gall en Marchand d’esclaves et celle de la danseuse Sonia Duchesne, vêtue d’une sorte de cape noire mal ajustée pour une chorégraphie dépourvue de charme et de sensualité, une démarche voulue comme telle, pour dénoncer ces tenues et ces attitudes imposées pour des motifs sociaux et religieux aux femmes afin de dissimuler leurs formes et amoindrir leur attrait.


Le chef et l’orchestre, en revanche, changent. A la tête de son orchestre Les Siècles, le directeur artistique de l’Atelier lyrique de Tourcoing, François‑Xavier Roth, insuffle charme et fluidité à ces deux opéras. Cette formation de haut niveau, en résidence à Tourcoing, présente la particularité d’employer les instruments contemporains de l’œuvre, et comme son nom l’indique, son répertoire s’étend sur de très nombreuses décennies. La sonorité légèrement acide, le plus souvent transparente, témoigne donc d’une incontestable volonté d’authenticité, et le résultat répond aux attente en dépit de cuivres parfois rétifs à la précision. Il met en évidence la qualité d’écriture, surtout dans l’opéra de Bizet dont le génie ne cesse décidément d’émerveiller, comme l’illustre l’orchestration de Djamileh, inventive et élaborée.



Sébastien Foucart

 

 

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