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Le concert des B...

Paris
Philharmonie
05/17/2022 -  et 13 (München), 15  mai (Hamburg) 2022
Max Bruch : Concerto pour violon n° 1 en sol mineur, opus 26
Anton Bruckner : Symphonie n° 9 en ré mineur (édition Nowak)

Renaud Capuçon (violon)
Münchner Philharmoniker, Daniele Gatti (direction)


D. Gatti (© Marco Borggreve)


Second concert de l’Orchestre philharmonique de Munich sous la direction de Daniele Gatti après, la veille, un premier concert ayant associé la Vingt-neuvième Symphonie de Mozart et la Cinquième de Chostakovitch.


Au programme, deux œuvres emblématiques avec, pour commencer, le Premier Concerto de Max Bruch (1838‑1920) où, mais on y reviendra pour Bruckner, l’opulence orchestrale de la phalange munichoise s’imposa presqu’au détriment du soliste. Dans le premier mouvement, Renaud Capuçon fait montre d’une technique exceptionnelle, offrant même un jeu endiablé (juste avant le premier grand tutti de l’orchestre) où rien ne lui résiste, la musicalité n’étant par ailleurs jamais reléguée au second plan comme on peut parfois le regretter sous d’autres archets. Le deuxième mouvement (Adagio, enchaîné avec le précédent comme le requiert la partition) fut pour sa part un modèle de finesse et de lyrisme. Mais cette finesse solistique justement fut parfois éclipsée par la majesté munichoise (le tutti de cors, incroyable !), l’orchestre s’affirmant comme le véritable conducteur de cet attelage, grâce à la baguette de Daniele Gatti qui, comme à son habitude, maîtrise tout d’un bout à l’autre. D’un léger coup de poignet, les altos interviennent ; d’un signe du doigt, les cors démarrent ; d’une large envolée des bras, l’orchestre s’emporte, distillant des sonorités souvent dignes de Mendelssohn. De fait, dans le Finale. Allegro energico, c’est le chef italien qui impose sa vision là où l’on sent que Renaud Capuçon aurait sans doute aimé aller un peu plus rapidement ; au contraire, les Munichois prennent davantage leur temps, l’ensemble privilégiant l’esprit flamboyant et conquérant sur la frivolité (en tout cas la fraîcheur) que l’on aurait peut‑être davantage souhaitée. Pour autant, magnifique interprétation d’ensemble qui permit à Renaud Capuçon d’offrir en bis la version pour violon seul du célèbre « Ballet des ombres heureuses » tiré de l’Orphée et Eurydice de Gluck.


Après le B de Bruch, le B de Bruckner ; évidemment, un tout autre univers, qui plus est dans la crépusculaire Neuvième Symphonie, jouée ce soir dans l’édition Nowak de 1951 et dans ses seuls trois mouvements achevés. Nous avions déjà eu la chance d’entendre Daniele Gatti diriger cette œuvre à la tête de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam lors de la Musikfest de Berlin, au mois de septembre 2017 : à relire notre commentaire d’alors, force est de constater que la conception du chef ne semble guère avoir changé. Le premier mouvement (Feierlich, misterioso) démarre dans un climat extatique mais Daniele Gatti privilégie assez rapidement les détails de la partition sur la grande arche brucknérienne qui fait pourtant tout le sel de ce compositeur ; de fait, on assiste à un séquençage (un décorticage presque...) du mouvement, qui nous permet certes d’entendre maints détails (certaines phrases chez les altos ou les cors, les interventions de la seconde clarinette, superbement tenue par Annette Maucher) mais qui éclipse le climat brucknérien habituel. Après que Daniele Gatti eut perdu sa baguette (visiblement, la partie blanche s’est cassée à la base du pommeau en liège avant de tomber au niveau du premier rang des spectateurs...), il entama la coda avec une force tellurique assez prenante mais que l’on aurait pu souhaiter encore plus implacable. Immédiatement enchaîné après le premier mouvement, le Scherzo fut sans doute le mouvement le plus déconcertant puisque le chef italien marqua, à chaque fois entre les pizzicati et le moment où « timbales et basses grondantes scandent l’obsédant rythme ternaire » (Paul‑Gilbert Langevin, Bruckner, L’Age d’homme, 1977, p. 204), une césure relativement longue de trois à quatre secondes alors que celle‑ci est généralement seulement esquissée... Quant au martellement lui‑même, il fut plus pesant qu’autre chose. Mais comment ne pas frémir en l’entendant ? Car le Philharmonique de Munich, élevé à la baguette de Knappertsbusch et de Celibidache, connaît Bruckner comme sa poche et se pare de ses plus belles couleurs pour interpréter ses œuvres. Les presque soixante cordes (dont huit contrebasses), les huit cors (dont quatre qui joueront les fameux Wagner‑Tuben dans l’Adagio final) et l’ensemble des autres musiciens firent preuve d’une implication impressionnante à l’image du timbalier, souverain. Comme à Berlin il y a cinq ans, Daniele Gatti se surpassa surtout dans le dernier mouvement (Adagio. Langsam, feierlich), grâce notamment à des cordes d’une beauté presque suffocante. Pas de libération vers Dieu ici mais bel et bien un Purgatoire à subir avant de s’élever au Ciel : tel semble être la trame narrée de façon poignante par le chef italien. L’attaque initiale, tout en profondeur, nous emmena ensuite sur de véritables sommets où les tutti de cuivres emplirent la grande salle de la Philharmonie d’une noblesse à laquelle tout un chacun ne pouvait que succomber.


B comme Bruch, B comme Bruckner, B comme baguette... Pourrait‑on également ajouter B comme bonne nouvelle ? Car, dès le premier rappel, les musiciens de l’orchestre restèrent assis et applaudirent très chaleureusement Daniele Gatti, ce qui n’est pas fréquent (en général, l’orchestre offre sa propre ovation au chef au troisième ou quatrième rappel du public). A l’heure où le Philharmonique de Munich est orphelin de tout directeur musical (Valery Gergiev ayant dû quitter son poste à la suite de l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine), faut‑il y voir un signe, voire une invitation après un concert où l’entente entre le chef et l’orchestre aura été patente d’un bout à l’autre ? A suivre...


Le site de Daniele Gatti
Le site de Renaud Capuçon
Le site de l’Orchestre philharmonique de Munich



Sébastien Gauthier

 

 

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