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Débuts réussis pour Jaroussky

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/11/2022 -  et 14, 16, 18*, 20, 22 mai (Paris), 5, 7, 9, 11 juin (Montpellier) 2022
Georg Friedrich Händel : Giulio Cesare in Egitto, HWV 17
Gaëlle Arquez (Giulio Cesare), Sabine Devieilhe (Cleopatra), Lucile Richardot (Cornelia), Franco Fagioli (Sesto), Carlo Vistoli (Tolomeo), Paul‑Antoine Bénos‑Djian (Nireno), Francesco Salvadori (Achilla), Adrien Fournaison (Curio)
Ensemble Artaserse, Philippe Jaroussky (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (scénographie), Agostino Cavalca (costumes), Alessandro Carletti (lumières), Thomas Wilhelm (chorégraphie)


(© Vincent Pontet)


Fondé en 2002 avec la participation de Philippe Jaroussky, l’ensemble sur instruments d’époque Artaserse ne s’était encore jamais confronté au défi d’affronter un opéra complet : c’est désormais chose faite avec cette nouvelle production de Jules César (1723), l’un des plus célèbres opera seria de Haendel. Créé à Londres, puis repris et adapté (notamment au niveau des tessitures) comme une traînée de poudre, cet ouvrage bénéficie de la muse inépuisable de Haendel, autant dans le raffinement des récitatifs que des airs, mais souffre d’un livret bien poussif sur la durée. Adapté d’un opéra vénitien expurgé de ses parties comiques, le sujet est recentré sur la noblesse d’âme des différents protagonistes : on gagne en hauteur de vue ce que l’on perd en diversité et en rebondissements dramatiques, ce que la mise en scène de Damiano Michieletto ne peut tout à fait masquer.


Le statisme de l’action, particulièrement pesant avec un récit qui tourne en rond après le premier acte, est illustré par une transposition métaphorique des états d’âme des protagonistes : les trois Parques, fortes de leur pouvoir sur la destinée humaine, tissent les fils de l’action en arrière‑scène, maniant autant les allégories (justice, temps), symboles de résilience (l’olivier), que les angoisses de mort de Jules César. Ce pressentiment d’une fin tragique est particulièrement saisissant par son illustration visuelle au III, lorsque les sénateurs tentent d’assassiner l’empereur à plusieurs reprise en lacérant le voilage plastifié qui les sépare de leur cible.


Le travail sur les textures, les volumes et les différents cadrages de la scène, admirablement mis en valeur par la variété des éclairages, tour à tour crus ou vaporeux, donne une modernité bienvenue à l’ensemble, même si on reste à la surface d’une évocation principalement illustrative, en lien avec l’évolution psychologique des personnages.


Tous les regards se concentrent aussi vers la fosse, où Philippe Jaroussky était très attendu pour ses débuts dans une grande pièce lyrique, même s’il continue par ailleurs sa carrière de contre‑ténor (notamment dès juillet à Versailles autour d’un « duel » avec Valer Sabadus ou encore l’an prochain ici même avec le guitariste Thibaut Garcia) : le pari est en grande partie atteint, tant le public venu en nombre lui réserve un triomphe en fin de représentation, sans doute conquis par la franchise de ses attaques et la transparence obtenue dans les dialogues entre pupitres. Si le travail est convaincant dans les parties orchestrales pures, il l’est un peu moins dans l’accompagnement, où Jaroussky semble se mettre quelque peu en retrait afin de mettre en valeur les chanteurs. On aimerait ainsi davantage de détails révélés ici et là, pour faire de l’orchestre un protagoniste à part entière, capable de se confronter au brio des gosiers réunis. Techniquement, son ensemble donne beaucoup de plaisir, tout particulièrement dans la cohésion des cordes, même si on note une faiblesse des cors et trompettes dans la justesse attendue.


Le plateau vocal réuni, d’une grande tenue, n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée. Ainsi de Sabine Devieilhe (Cléopâtre) qui illumine chacune de ses interventions par une ligne de chant d’une souplesse idéale sur toute la tessiture, autour d’une parfaite diction. Elle prend aussi le luxe de faire durer ses aigus au moyen d’une longueur de souffle toujours naturelle, tout en compensant le peu d’épaisseur de sa voix par une technique sans faille. A ses côtés, Gaëlle Arquez (Jules César) impressionne tout autant par son aisance vocale, parfaitement projetée, même si on aimerait davantage d’autorité dans ce rôle pour casser l’impression d’une interprétation trop uniforme.


Rien de tel pour Lucile Richardot (Cornelia), qui met davantage de caractère à son interprétation, faisant vivre ses graves ardents et rauques d’une franchise déchirante dans la douleur. A ses côtés, Franco Fagioli (Sesto) a tous les moyens du rôle, parfois périlleux, mais déçoit dans son recours fréquent au vibrato, avec un timbre aigre dans le suraigu, notamment dans les récitatifs. On lui préfère grandement le Tolomeo vibrant et engagé de Carlo Vistoli, qui n’a pas son pareil pour faire vivre son instrument d’une myriade de couleurs, toujours au service du sens. On aime aussi le Nireno bien articulé et chantant de Paul‑Antoine Bénos‑Djian, déjà très applaudi cette année dans le rôle‑titre de Rinaldo à Rennes. Tous les seconds rôles emportent l’adhésion par leur investissement dramatique, à même de nous convaincre de la réussite globale du spectacle. On retrouvera ce plateau vocal homogène lors de la reprise prévue à l’Opéra de Montpellier du 5 au 11 juin prochain, avant une autre étape à Leipzig, en 2023, avec d’autres chanteurs.



Florent Coudeyrat

 

 

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