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Un classicisme assumé

Tours
Grand Théâtre
04/24/2022 -  et 26* avril 2022
André Grétry : La Caravane du Caire
Maya Villanueva (Zélime), Tatiana Probst (Une esclave italienne), Lili Aymonino (Une esclave française), Chloé Jacob (Almaïde), Blaise Rantoanina (Saint‑Phar), Enguerrand de Hys (Tamorin), Olivier Laquerre (Osman Pacha), Jean‑Gabriel Saint‑Martin (Florestan, Husca), Mélanie Gardyn (Une esclave allemande), Jean-Marc Bertre (Osmin), Yaxiang Lu (Furville), Emma Brest, Malory Delenclos, Vincent Gerbet, Margritte Gouin, Ludovick Le Floc’h, Laurine Ristroph, Nicolas Rombaut, Dominic Who (danseurs)
Chœur de l’Opéra de Tours, David Jackson (chef de chœur), Orchestre symphonique région Centre‑Val de Loire/Tours, Stéphanie‑Marie Degand (direction musicale)
Marshall Pynkoski (mise en scène), Antoine Fontaine (décors), Camille Assaf (costumes), Hervé Gary (éclairages), Jeannette Lajeunesse Zingg (chorégraphie)


(© Marie Pétry)


Après nous avoir régalé de la fougue jubilatoire du Richard Cœur de Lion (1784), présenté à l’Opéra de Versailles en 2019 puis en édition CD/DVD, le metteur en scène Marshall Pynkoski s’attaque à un autre des plus grands succès de Grétry, La Caravane du Caire (1783). D’abord présentée à Tours, cette coproduction fera ensuite étape à Versailles l’an prochain avec un plateau vocal en grande partie renouvelé, sous la baguette d’Hervé Niquet. En attendant, on découvre un ouvrage au livret assez rudimentaire, qui nous plonge dans les intrigues du harem du Pacha du Caire : cette turquerie à l’intrigue proche de la commedia dell’arte embrasse les délices d’un Orient fantasmé – autant visuellement que musicalement. Il est probable que le compositeur liégeois ait voulu accompagner les succès obtenus dans cette veine notamment par Haydn, avec son dramma giocoso La Rencontre imprévue (1775), et surtout Mozart, avec son singspiel L’Enlèvement au sérail (1782).


On note que l’opéra‑ballet de Grétry, contrairement aux ouvrages similaires de Rameau, ignore les entrées séparées avec des intrigues indépendantes afin de privilégier une histoire suivie, qui intègre parfaitement les ballets à l’action. On peut regretter toutefois le peu de couleurs orientales attachées à la partition, à l’exception notable de l’exquise « Danse égyptienne » au II, lors de la procession des esclaves. Grétry préfère moquer la querelle musicale des gluckistes et piccinistes, lors d’une joute haute en couleur entre esclaves française, italienne et allemande : la Française a pour elle l’élégance, toute de transparence un rien naïve, là où l’Italienne n’en finit pas d’asséner ses roucoulades virtuoses spectaculaires. L’Allemande parait plus robuste et prosaïque en comparaison, avec son air terne et répétitif. C’est là un des moments les plus truculents de l’ouvrage, à juste titre fêté par le public.


La fête est malheureusement quelque peu atténuée par un plateau vocal pour le moins inégal, d’où ressort le jeu comique toujours aussi irrésistible d’Enguerrand de Hys (Tamorin), très applaudi. On aime aussi la prestance radieuse de Jean‑Gabriel Saint Martin (Florestan, Husca), à l’articulation aisée et parfaitement projetée, tandis que Chloé Jacob (Almaïde) impressionne dans son air de fureur au III par sa justesse dramatique et sa technique solide. Si Tatiana Probst (une esclave italienne) assure l’essentiel dans son air tout aussi périlleux, on est moins convaincu par Blaise Rantoanina (Saint‑Phar), parfois à la limite de ses moyens dans l’aigu rétréci, et surtout Olivier Laquerre (le Pacha), bien faible au niveau vocal (timbre engorgé et émission étroite). Si le chœur semble souvent trop sonore, c’est sans doute en raison des indications franches et vigoureuses de Stéphanie‑Marie Degand (cofondatrice du Concert d’Astrée avec Emmanuelle Haïm en 2000), qui impose des tempi très vifs. On aimerait davantage de couleurs et de nuances pour retrouver l’équilibre de l’enregistrement de référence de Guy Van Waas (Ricercar, 2013).


Moins réussie que le Richard Cœur de Lion présenté à Versailles, la nouvelle production de Marshall Pynkoski pèche au niveau de la direction d’acteur, trop premier degré et peu fouillée au niveau comique (sans parler de quelques lourdeurs répétitives, telles que les œillades efféminées de l’eunuque Tamorin). Fort heureusement, le brio des passages dansés, tout comme les saynètes ajoutées en arrière‑scène (au I surtout), font de ce spectacle une réussite visuelle, au classicisme assumé. On note enfin l’utilisation pertinente de la rampe devant l’orchestre, qui donne davantage de relief en servant de défilé devant le public, ou la très poétique scène du naufrage de Florestan au III.



Florent Coudeyrat

 

 

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