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Le niveau attendu

Liège
Opéra royal de Wallonie
04/01/2022 -  et 3*, 5, 7, 9 avril 2022
Ambroise Thomas : Mignon
Stéphanie d’Oustrac (Mignon), Philippe Talbot (Wilhelm Meister), Jodie Devos (Philine), Jean Teitgen (Lothario), Geoffrey Degives (Frédéric), Jérémy Duffau (Laërte), Roger Joakim (Jarno)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des Chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Frédéric Chaslin (direction)
Vincent Boussard (mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Clara Peluffo Valentini (costumes), Nicolas Gilli (lumières), Nicolas Hurtevent (vidéo)


(© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie-Liège)


La saison se poursuit à l’Opéra royal de Wallonie avec un ouvrage jadis populaire, aujourd’hui rare : Mignon (1866) de Thomas figure pour la première fois à l’affiche du théâtre liégeois. Cette nouvelle mise en scène de Vincent Boussard laisse sur une bien meilleure impression que ses Puritains de 2019. L’action se déroulait dans un théâtre détruit, celle‑ci se passe dans une salle de spectacles, mais intacte, avec un effet de miroir. Les personnages évoluent sur une scène vue des coulisses, encadrée par une structure de néons inclinée, tandis que les choristes figurent les spectateurs. Il s’agit, en fin de compte, d’une nième mise en abyme, mais cette scénographie, valorisée par de remarquables éclairages et par des images animées évocatrices, séduit par son esthétique et sa cohérence. Vincent Boussard développe aussi une vraie direction d’acteur, attentive à la psychologie des personnages et soucieuse des parties dialoguées qui ne tirent jamais en longueur. Il mêle habilement les époques, établissant des ponts entre les trois derniers siècles. Cette mise en scène dépourvue de maladresse et de faiblesse exploite assez efficacement le potentiel de cet ouvrage au charme tout de même un peu désuet. Le résultat correspond aux attentes, malgré un certain manque d’audace : qu’accomplirait un Olivier Py, lui qui a mis en scène un si beau Hamlet à la Monnaie ?


Il faut pour le rôle‑titre une interprète capable de se glisser dans la peau d’un personnage tantôt androgyne, tantôt féminin, et de concilier vitalité théâtrale et maîtrise vocale. Stéphanie d’Oustrac, qui chante pour la première fois sur la scène liégeoise, réunit toutes ces qualités, malgré un timbre pas toujours des plus séduisants. La mezzo‑soprano délivre une prestation si convaincante qu’il paraît difficile d’imaginer une autre artiste pour encore mieux incarner Mignon. En Philine, Jodie Devos apporte, une fois de plus, la confirmation que cette soprano, qui effectue un parcours artistique vraiment épatant, excelle dans la comédie. Elle donne vie à une horripilante pimbêche avec une certaine délectation, en disciplinant son phrasé et ses aigus, et en surmontant sans difficulté manifeste les passages virtuoses – la diction demeure toutefois perfectible.


Beau ténor stylé et valeur sûre dans ce répertoire, Philippe Talbot possède le format vocal pour Wilhelm Meister, de même que la clarté du timbre et la tenue du phrasé, mais l’envergure de son personnage demeure plus faible, en comparaison avec les incarnations autrement plus nuancées et énergiques de Stéphanie d’Oustrac et de Jodie Devos. Chanteur impeccable et véritable dépositaire de la grande tradition, Jean Teitgen campe un superbe Lothario. Les personnages de Frédéric et de Laërte témoignent du talent d’acteur de Geoffrey Degives et de Jérémy Duffau, mais ils n’offrent pas assez l’occasion de révéler tout leur potentiel vocal. Surtout présent au début, le fiable et fidèle Roger Joakim, quant à lui, tient bien son rang en Jarno. La distribution tout entière respecte donc l’esprit de l’opéra‑comique, sans tomber dans le piège de la caricature.


La direction très soignée de Frédéric Chaslin rend justice à l’orchestration injustement décriée de Thomas. Il faut se réjouir que des chefs accordent encore à de tels ouvrages autant d’importance que pour un opéra de Verdi ou de Wagner. Les musiciens se montrent, en effet, justes et précis, dans une partition qui comporte quelques redoutables interventions, comme celle à froid au début de l’ouvrage de la clarinette, admirablement tenue. Suffisamment souple et légère, toujours claire et solide, l’exécution de l’orchestre prouve une fois de plus que ce dernier se distingue autant dans ce genre que dans les opéras italiens. Quant aux choristes, ils chantent, en fin de compte, assez peu, mais ils arborent, eux aussi, de splendides costumes.



Sébastien Foucart

 

 

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