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Déjà un autre Rigoletto

Liège
Opéra royal de Wallonie
03/03/2022 -  et 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13* (Liège), 18 (Charleroi) mars 2022
Giuseppe Verdi : Rigoletto
Amartuvshin Enkhbat*/Sebastian Catana (Rigoletto), Jodie Devos/Enkeleda Kamani* (Gilda), Iván Ayón Rivas*/Giuseppe Gipali (Il Duca di Mantova), Rubén Amoretti (Sparafucile), Sarah Laulan (Maddalena), Patrick Bolleire (Il Conte di Monterone), Patrick Delcour/Ivan Thirion* (Marullo), Caroline de Mahieu (Giovanna), Margaux de Valensart (La Contessa di Ceprano), Alexandre Marev (Matteo Borsa), Benoît Delvaux (Il Conte di Ceprano), Benoît Scheuren (Usciere di Corte)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Daniel Oren (direction musicale)
John Turturro (mise en scène), Francesco Frigeri (décors), Marco Piemontesi (costumes), Alessandro Carletti (lumières)


A. Enkhbat (© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie)


En décembre 2017, l’Opéra royal de Wallonie avait repris une mise en scène fort conservatrice de Rigoletto (1851), créée en 2015. En voici déjà une autre, cette fois par un novice en la matière, l’acteur et réalisateur américain John Turturro.


Confier une mise en scène d’opéra à un artiste d’une autre discipline permet théoriquement d’ouvrir des perspectives et d’aborder un ouvrage sous un angle original, voire inédit. Théoriquement, car ce Rigoletto en fin de compte très convenu ne deviendra probablement ni un classique, ni un exemple de modernité. La scénographie paraît tout de même un peu plus intéressante, l’action se tenant dans des lieux abandonnés et sinistres, dans de sombres mais beaux éclairages. Elle est surtout plus dépouillée, sans ces massifs décors de carton‑pâte qui renvoient, comme dans la production précédente, à une conception passéiste de l’opéra. La dernière scène constitue même une réussite, à condition d’accepter l’idée que Gilda rejoint comme un spectre le sac devant lequel Rigoletto se lamente après avoir découvert qu’il contient le corps de sa fille, et non celui du duc de Mantoue.


L’approche demeure toutefois prudente, et la direction d’acteur désespérément banale et conventionnelle, presque anecdotique par moments. Pour le volet purement scénique, le spectacle ne souffre guère de maladresse, mais il n’apporte rien non plus de neuf. Le nouveau directeur général et artistique, Stefano Pace, tente manifestement d’imposer progressivement sa marque, et il faut s’attendre à voir peu à peu disparaître des affiches des noms d’artistes fréquemment programmés par son prédécesseur. Mais il nous semble primordial d’accorder plus d’importance à la dramaturgie et de ne pas se focaliser uniquement sur les performances vocales.


Si la mise en scène laisse sur sa faim, les chanteurs et l’orchestre procurent plus de satisfactions. Dans le rôle‑titre, Amartuvshin Enkhbat mérite l’ovation debout qu’une partie du public lui accorde lors des saluts. Le baryton mongol possède une voix d’une ampleur et d’une projection impressionnantes, couplée à une justesse de la caractérisation qui rend le personnage crédible et touchant. Malgré un timbre captivant, le chanteur paraît davantage rechercher la vérité dramatique que la subtilité vocale, malgré une réelle maîtrise de la ligne. La marge de progression semble ténue pour accéder au sommet de l’interprétation verdienne, à la limite plus de finesse et de nuances, la voix restant malgré tout assez massive et robuste. Nous n’avions plus été autant impressionné par un chanteur depuis longtemps. Le duo qu’Amartuvshin Enkhbat forme avec Enkeleda Kamani fonctionne remarquablement. A la hauteur de l’enjeu, la soprano albanaise arbore une voix solide et légère, bien dimensionnée pour Gilda, avec une certaine maitrise des aigus et une construction rigoureuse de son grand air, « Caro nome ». La présence scénique assez convenue souffre un peu de la comparaison avec celle, écrasante, de son partenaire, mais l’incarnation traduit bien la fragilité et la naïveté du personnage.


Les premières interventions d’Iván Ayón Rivas en Duc de Mantoue manquent au début d’assurance et de précision, mais la prestation s’améliore en seconde partie, malgré un manque rédhibitoire de charisme. Le timbre présente d’incontestables atouts, mais le chanteur a tendance à passer en force sur certains passages. La stature menaçante et le jeu convaincant de Rubén Amoretti compensent une voix trop ordinaire pour vraiment marquer les esprits en Sparafucile, alors que Sarah Laulan, qui a participé à la reprise de 2017, délivre une convenable prestation, à tous points de vue, en Maddalena. Le reste de la distribution laisse plus indifférent, ce qui cause du tort à des personnages non négligeables comme Marullo ou le Conte de Monterone, au contraire des chœurs, qui chantent désormais sans masque, compte tenu de l’amélioration des conditions sanitaires. Denis Segond les a scrupuleusement préparés dans les célèbres pages que Verdi leur a consacrées.


La production bénéficie de la direction vigoureuse de Daniel Oren qui a tendance à se manifester assez bruyamment par diverses injonctions et autres grommellements. L’orchestre apporte une fois de plus la confirmation qu’il excelle dans ce répertoire dès lors qu’un chef d’envergure officie à sa tête. La prestation, très directe, et parfois un peu brute, se distingue toutefois davantage par son tranchant et sa fulgurance que par sa légèreté et sa finesse.



Sébastien Foucart

 

 

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