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Le triomphe de Pene Pati

Paris
Opéra Comique
12/13/2021 -  et 15, 17*, 21 décembre 2021
Charles Gounod : Roméo et Juliette
Perrine Madoeuf (Juliette), Pene Pati*/Jesús León (Roméo), Philippe-Nicolas Martin (Mercutio), Yu Shao (Tybalt), Patrick Bolleire (Frère Laurent), Adèle Charvet (Stéphano), Jérôme Boutillier (Le comte Capulet), Yoann Dubruque (Gregorio), Marie Lenormand (Gertrude), Thomas Ricart (Benvolio), Geoffroy Buffière (Le duc de Vérone), Julien Clément (Frère Jean), Arnaud Richard (Le comte Pâris), Camille Brulais, Laurent Côme, Rafael Linares Torres, Sabine Petit (danseurs)
Chœur accentus / Opéra de Rouen Normandie, Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, Laurent Campellone (direction musicale)
Eric Ruf (mise en scène, décors), Christian Lacroix (costumes), Bertrand Couderc (éclairages), Glysleïn Lefever (chorégraphie)


(© Stefan Brion)


Qu’elles font du bien, ces soirées où tout avait pourtant si mal commencé ! Imaginez-donc un Roméo et Juliette privé de ses deux rôles-titres, Jean-François Borras et Julie Fuchs, testé positifs au Covid – sans parler des pupitres de trompettes et trombones, également touchés ! Le nouveau directeur de l’Opéra-Comique Louis Langrée, bien embarrassé face au public, ne pouvait imaginer pire scénario pour ses débuts à la tête de l’institution. D’où vient pourtant que le spectacle, malgré quelques relatives imperfections, fut une incontestable réussite et saluée comme telle par un public dithyrambique en fin de représentation ? Tout le crédit en revient à un jeune ténor (tout droit venu de l’Opéra d’Amsterdam où il chantait la veille) du nom de Pene Pati, natif de l’archipel des Samoa, et à l’aube, manifestement, d’une grande carrière. Familier du rôle de Roméo, qu’il a déjà chanté à San Francisco puis à Bordeaux, Pene Pati a fait tout récemment ses débuts à l’Opéra de Paris, en septembre dernier, dans la reprise de L’Elixir d’amour de Donizetti. On se reportera avec grand intérêt à l’entretien exclusif qu’il a accordé à notre site, lors de son passage à Bordeaux, qui nous apprend combien sa diction française proche de l’idéal doit aux bons soins de sa femme, la très douée soprano Amina Edris.


On peut donc ne pas maîtriser la langue de Molière et s’en emparer avec un amour des mots qui prend un relief tout particulier dans chaque phrasé, sculpté au service du sens, faisant de chacune des interventions de Pene Pati un moment qui captive littéralement. C’est bien le côté solaire de l’interprète qui fascine, ce qui explique pourquoi on ne peut s’empêcher de penser à lui lorsque son personnage s’écrit « Salut, palais splendide et radieux !  ». Portée par un timbre suave, l’émission est toujours souple et naturelle, d’une facilité déconcertante jusque dans la voix de tête. Son souffle puissant lui permet aussi des tenues de note d’une longueur à laquelle les chanteurs actuels ne nous ont guère habitués, ce qui provoque plusieurs fois le frisson. On aime aussi sa sensibilité dans les piani, d’une maturité d’intention étonnante. Seul le médium peut sans doute encore être amélioré, mais ce n’est là qu’un détail à ce niveau déjà superlatif.


Très enthousiaste au moment des saluts, entre sauts de cabri et bras levés en l’air, Pene Pati a manifestement conquis le public par sa chaleur humaine communicative. Il reçoit les félicitations du chef Laurent Campellone, comme toujours impérial dans la fosse à force d’attention aux rythmes et aux couleurs.


A leurs côtés, le soulagement était tout aussi palpable pour Perrine Madoeuf, prisonnière du trac lors de ses premières réparties, en mal de justesse. Fort heureusement, le tempérament dramatique vibrant de la soprano lyonnaise (familière du rôle de Juliette, appris pour l’Opéra de Tallinn) lui permet de faire oublier ses difficultés dans les passages périlleux, où la ligne perd en stabilité dans le suraigu. Tout le reste de la distribution, très homogène, donne beaucoup de plaisir vocal, au premier rang desquels le Stéphano rayonnant d’Adèle Charvet ou le Frère Laurent impressionnant de noblesse sereine de Patrick Bolleire. On aime aussi la diction millimétrée et l’intelligence des phrasés de Jérôme Boutillier (Le comte Capulet), même si le choix de chanter en première partie de spectacle avec le masque (à l’instar des solistes du chœur, Arnaud Richard et Julien Clément) interroge. On aurait préféré que ces chanteurs privilégient un chant en bord de scène (Covid oblige), lors de leurs interventions solistes, plutôt que de rester parmi les scènes de groupe vibrionnantes voulues par Eric Ruf.



On retrouve en effet le sociétaire de la Comédie-Française aux commandes de ce spectacle, adapté de sa mise en scène de la pièce éponyme de Shakespeare, montée dans la salle Richelieu en 2015. C’est là un choix autant « économique qu’écologique », comme Ruf le précise dans le programme, qui fonctionne très bien tout du long. Comme à son habitude, son travail reste d’un grand classicisme, porté par sa direction d’acteur attentive aux moindres inflexions du drame. On pourrait souhaiter davantage d’humour ici et là, et surtout davantage d’audaces à la Pelly, mais cela ne mérite certainement pas les quelques huées entendues à l’issue du spectacle. Notons encore les très beaux costumes de Christian Lacroix, tout particulièrement la tenue mortuaire de Juliette, conçue à partir des traditions siciliennes.


On retrouvera le couturier français en tant que metteur en scène de la très attendue production de La Vie parisienne, montée au Théâtre des Champs-Elysées à partir du 21 décembre prochain. En attendant, profitez des représentations de ce Roméo et Juliette admirablement interprété salle Favart, pour lequel il reste encore quelques places en billetterie.



Florent Coudeyrat

 

 

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