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Bêtes de scène

Bruxelles
La Monnaie
11/02/2021 -  et 4, 7*, 9, 12, 14, 16, 18 novembre 2021
Alban Berg: Lulu (troisième acte achevé par Friedrich Cerha)
Barbara Hannigan (Lulu), Natascha Petrinsky (Gräfin Geschwitz), Lilly Jorstad (Eine Theater-Garderobiere, Ein Gymnasiast, Ein Groom), Gérard Lavalle (Der Medizinalrat, Der Professor), Rainer Trost (Der Maler, Ein Neger), Bo Skovhus (Dr. Schön, Jack The Ripper), Toby Spence (Alwa), Pavlo Hunka (Schigolch), Martin Winkler (Ein Tierbändiger, Ein Athlet), Florian Hoffmann (Der Prinz, Der Kammerdiener, Der Marquis), Georg Festl (Der Theaterdirektor, Der Bankier), Julie Mathevet (Eine Fünfzehnjärige), Mireille Capelle (Ihre Mutter), Beata Morawska (Eine Kunstgewerbieren), Lucas Cortoos (Ein Journalist), Kris Belligh (Der Polizeikommissar, Ein Diener)
Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczęsniak (décors, costumes), Felice Ross (lumières), Claude Bardouil (chorégraphie), Denis Guéguin (vidéo)


B. Hannigan (© La Monnaie/Simon Van Rompay)


Elle enfile à nouveau ses chaussures de danse et son emblématique training rouge. Barbara Hannigan revient à la Monnaie pour la reprise de la production de Lulu (1935) de 2012. Qui d’autre aurait pu relever le défi dans cette mise en scène de Krzysztof Warlikowski? Cette Lulu, en réalité une prise de rôle, fut à l’époque jugée exceptionnelle, et neuf ans plus tard, la soprano effectue toujours aussi impeccablement ses pointes tout en chantant. La voix demeure solide, les aigus nets, la plastique parfaite, alors que ce spectacle sollicite largement les ressources de la chanteuse. Cette artiste exceptionnelle délivre une performance très engagée et d’une remarquable justesse, si bien qu’il paraît difficile d’imaginer désormais une autre interprète pour Lulu. Si elle habite le rôle à un rare degré d’intensité, sans toutefois tomber dans l’hystérie, elle n’occulte pas les autres chanteurs. La réussite de cette reprise ne repose donc pas uniquement sur ses seules épaules mais aussi sur celles d’autres bêtes de scène qui la côtoient, à commencer par Bo Skovhus, sensationnel en Docteur Schön et Jack l’Eventreur, grâce à sa voix et à sa présence physique. Déjà remarquée en 2012, Natascha Petrinsky reprend la toujours aussi sexy Comtesse Geschwitz, un personnage qui lui convient parfaitement. Autre nom à l’affiche de la production d’origine, Pavlo Hunka excelle à nouveau en Schigolch. Le reste de la distribution procure tout autant de satisfactions: Toby Spence, Rainer Trost, Martin Winkler ou encore Lilly Jorstad se hissent à la hauteur. Sous la conduite rigoureuse d’Alain Altinoglu, l’orchestre sonne avec plénitude et précision, puissance et profondeur. Le directeur musical concilie complexité et expression tout en exaltant le lyrisme et la puissance extatique de cette musique fascinante.


Ressassant inlassablement les mêmes principes dans De la maison des morts en 2018 et Les Contes d’Hoffmann en 2019, sans se renouveler ou proposer quelque chose d’inattendu, Krzysztof Warlikowski signe avec cette Lulu une de ses meilleures mises en scène, dans laquelle les idées se concrétisent de façon idéale. Un tel livret se prête, il faut le reconnaître, à son esthétique. La direction d’acteur demeure toujours aussi phénoménale, et ce que le metteur en scène obtient de tous en termes d’engagement suscite vraiment l’admiration. Le spectacle comporte certes quelques excès, en particulier au début et à la fin du premier acte, avec un prologue en anglais assez pénible et un trop long intermède avec une danseuse. Mais le souffle dramatique et la conception d’ensemble balaient ces réserves, d’autant plus que la manière avec laquelle Warlikowski montre dans cet univers qui s’effondre sur lui-même la puissance destructrice de l’amour et du désir, ainsi que la place de l’art, avec une référence en particulier à Blow-Up d’Antonioni, témoigne à la fois d’une très grande inventivité et d’un formidable métier. Si cette mise en scène se révèle complexe, la lecture du programme de salle permet de mieux en saisir la profondeur. Elle demeure en tout cas relativement abordable et lisible, malgré l’existence d’actions simultanées, et comporte des images d’une grande beauté, en particulier grâce à la figuration de jeunes ballerines: s’opposent ainsi douceur et violence, grâce et laideur. La scénographie porte aussi bien évidemment la signature reconnaissable de Malgorzata Szczęsniak, qui a imaginé les décors et les costumes – beau travail sur les lumières, aussi, de Felice Ross. Pour les amateurs d’incarnations fortes, de belles prestations d’orchestre et de spectacles percutants, une reprise à ne pas manquer.



Sébastien Foucart

 

 

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