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Le prince qui aimait Saint-Saëns Monaco Monte-Carlo (Auditorium Rainier III) 10/03/2021 - Vittorio de Sabata : Suite pour grand orchestre en quatre temps, opus 2
Camille Saint-Saëns : Concerto pour violon n° 3 en si mineur, opus 61
Claude Debussy : La Mer Daniel Lozakovich (violon)
Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada (direction)
D. Lozakovich (© André Peyrègne)
Saint Saëns se méfiait des violonistes. Il disait: «Tous les violonistes jouent faux... mais il y en a qui exagèrent!». Ah, qu’il aurait aimé entendre son Troisième Concerto joué par le violoniste que nous avons applaudi dimanche à Monaco! Ce phénomène de virtuosité, de brio, de précision, de sonorité s’appelle Daniel Lozakovich. Il fallait voir ce grand jeune homme à l’allure d’adolescent qui, pour donner un surcroît d’intensité à son jeu, renversait en arrière son long corps avec une souplesse de roseau. Un roseau doté d’un Stradivarius! Lorsqu’il aura ajouté un supplément d’âme à son jeu, il pourra faire partie de l’élite des violonistes du monde.
Ce concert entrait dans la cadre de la saison de commémoration du centenaire de la mort du prince Albert Ier (décédé le 26 juin 1922). Il était donné en présence de la princesse Caroline. Albert Ier et Saint-Saëns s’estimaient mutuellement. Ils se retrouvaient à l’Institut de France, le compositeur étant membre de l’Académie des Beaux-Arts et le prince de l’Académie des Sciences en raison de ses travaux océanographiques. Lorsqu’ils s’écrivaient, ils s’appelaient «Mon cher confrère».
Le programme du concert comprenait également une composition du chef d’orchestre qu’Albert Ier avait nommé directeur de l’orchestre de Monaco, Vittorio de Sabata: la Suite en quatre temps («Réveil du matin», «De branche en branche», «Idylle», «Midi»). On fut sidéré de découvrir que cette œuvre bien écrite, richement orchestrée, équilibrée dans son architecture, dotée de belles modulations, située entre l’expressionnisme de Puccini et l’impressionniste de Debussy... était l’œuvre d’un élève de 18 ans au Conservatoire de Milan. On ne peut que s’incliner devant un talent aussi jeune, qui allait devenir l’un des grands chefs d’orchestre du siècle.
Pour rendre hommage au prince océanographe, une œuvre s’imposait: La Mer de Debussy! Le Philharmonique de Monte-Carlo nous en donna une fort belle version sous la baguette de son directeur Kazuki Yamada – un directeur qui vient d’être nommé chef principal de l’Orchestre de Brimingham à compter de 2023. Le secret de l’interprétation de La Mer tient dans la manière dont sont traités les incessants crescendos et decrescendos. Kazuki Yamada les transforma en un jeu permanent de flux et reflux. Dressé sur son podium, ce capitaine aux gestes ondulants semblait marcher sur les flots. A un moment, il en perdit même sa baguette, laquelle lui fut ramassée et restituée discrètement par un musicien. La magie de la musique avait saisi l’orchestre entier. Dans le mouvement de va-et-vient de leurs archets, les violonistes, entraînés par leur soliste Liza Kerob, semblaient portés par une houle. Au rivage de l’orchestre de Monaco, cette Mer de Debussy, fut aussi belle à entendre et qu’à voir...
André Peyrègne
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