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Léonore à Guantánamo Paris Opéra Comique 09/25/2021 - et 27, 29 septembre, 1er, 3 octobre 2021 Ludwig van Beethoven : Fidelio, opus 72 Siobhan Stagg/Katherine Broderick (Leonore), Michael Spyres (Florestan), Albert Dohmen (Rocco), Gábor Bretz (Don Pizarro), Mari Eriksmoen (Marzelline), Linard Vrielink (Jaquino), Christian Immler (Don Fernando), Constantin Goubet, René Ramos Premier (Prisonniers), Morgan Lloyd Sicard, Vincent Steinebach (comédiens)
Maîtrise populaire de l’Opéra Comique, Sarah Koné (direction artistique), Pygmalion, Raphaël Pichon (direction musicale)
Cyril Teste (mise en scène), Valérie Grall (décors), Marie La Rocca (costumes), Leila Adham (dramaturgie), Julien Boizard (lumières), Mehdi Toutain-Lopez (conception vidéo)
A. Dohman, M. Spyres, S. Stagg (© DR Stefan Brion)
Fidelio, l’unique opéra de Beethoven, ouvre la saison de l’Opéra Comique dans une option hybride confiée à Raphaël Pichon, chef spécialisé dans le répertoire baroque et classique, qui fait appel à des instruments anciens et à une recherche musicologique pointue alors que la mise en scène de Cyril Teste déplace l’action du XVIIIe siècle à nos jours.
Fidelio est certes une histoire politique; la transposer dans le temps n’ajoute rien mais ne pervertit pas l’action. L’usage immodéré de la vidéo, dont on reste persuadé qu’elle est paresse de la part du metteur en scène, perturbe beaucoup la clarté de l’action. Dans une unité de détention de prisonniers politiques comme on en voit tant dans les séries américaines, disons Guantanamo-like, l’action est filmée en permanence par des caméras de surveillance et des policiers cameramen (même à l’acte du cachot de Florestan, qui est ici une cellule d’injection létale). Cela crée beaucoup de niveaux de lecture, disperse beaucoup l’attention et complique inutilement l’action. Heureusement, les magnifiques acteurs de la distribution, notamment le Florestan de Michael Spyres et la Léonore de Siobhan Stagg ainsi que le Rocco d’Albert Dohmen, donnent un relief saisissant à l’action malgré cette esthétique un peu trop proche d’un jeu vidéo.
Pour le chant, on admire le superbe Florestan de Michael Spyres au timbre barytonant, à la tessiture impressionnante et sans faille, avec un impact dramatique énorme. Le soir de la première, Siobhan Stagg, souffrante, était doublée dans la fosse pour le chant par Katherine Broderick, arrivée de Londres in extremis et, malgré l’impression toujours étrange de cet exercice, réussissait à donner vie au jeu très exigeant de la titulaire, qui assurait la partie Singspiel. Superbes aussi les hommes, avec un Rocco très humain d’Albert Dohmen et le très machiavélique Pizarro de Gábor Bretz.
Magnifique aussi la direction de Raphaël Pichon, qui avait opté pour la version de 1814 de Fidelio avec un petit ajout emprunté au Singspiel Leonore, à la tête de son ensemble, orchestre et chœur Pygmalion, malgré la sécheresse bien connue de l’acoustique de la salle Favart et quelques petits inconvénients acoustiques dus à la nature même des instruments utilisés. Il emportait le drame donné sans entracte avec un élan irrésistible.
Olivier Brunel
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