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Une œuvre, cinq mouvements, deux parties Paris Philharmonie 09/22/2021 - et 23*, 24 septembre 2021 Gustav Mahler : Symphonie n° 2 en ut mineur «Résurrection» Hanna-Elisabeth Müller (soprano), Christa Mayer (alto), Chœur de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre de Paris, Semyon Bychkov (direction)
S. Bychkov (© Umberto Nicoletti)
Une fois n’est pas coutume: le concert habituel de l’Orchestre de Paris aura été donné cette fois-ci à trois reprises et non pas seulement deux (généralement les mercredi et jeudi). Cela n’a pas empêché la Philharmonie d’être très fortement remplie pour ces retrouvailles puisque Semyon Bychkov, qui a été le directeur musical de l’Orchestre de Paris de 1989 à 1998, avait commencé et terminé son mandat avec cette même Symphonie «Résurrection» de Gustav Mahler (1860-1911). On sait que le passage du chef russe, naturalisé américain, à Paris n’a pas été sans heurts et ce concert faisait office de véritable réconciliation, Semyon Bychkov n’ayant en effet pas dirigé l’Orchestre de Paris depuis son départ; autant dire que nous étions là véritablement embarqués dans une véritable machine à remonter le temps.
Entrant d’un pas rapide à la suite de l’accord de l’orchestre sous la houlette d’Igor Yuzefovich, premier violon solo invité pour l’occasion, Semyon Bychkov fait intervenir les violoncelles et les contrebasses avec une puissance digne des plus grands avions supersoniques mais, tout de suite, cela nous déroute quelque peu. En effet, les violons optent immédiatement pour un legato assez tranquille qui, de fait, pose la question de l’option souhaitée: dans cet Allegro maestoso. Mit durchaus ernstem und feierlichem Ausdruck, le chef va-t-il vraiment choisir entre un langage violent et volontaire d’une part et une approche plus douce, presque pastorale, d’autre part? C’est sans doute là que le bât blesse car le choix ne sera jamais véritablement fait. On passe ainsi en un rien de temps de cordes presqu’alanguies à des bois plus mordants, voire sarcastiques, la flûte solo et le violon solo s’emballant subitement en rupture assez franche avec le tempo suivi jusque-là. Certes, Bychkov ne manque pas de donner ici ou là certains effets à un Orchestre de Paris en grande forme mais on a tout de même beaucoup de mal à déceler la cohérence voulue. Si le sublime Andante moderato. Sehr gemächlich fut bien interprété, en dépit peut-être d’un léger manque de suavité et de soyeux chez les violoncelles, les mêmes interrogations initiales reviennent dans le troisième mouvement, qui manque singulièrement de sarcasme là encore, de caractérisation et d’humour. Heureusement que Semyon Bychkov nous donne à entendre certains tutti quasiment orgiaques, où l’on retrouve d’un coup tout l’esprit de l’œuvre mahlérienne. Dans Urlicht (Sehr feierlich, aber schlicht), Christa Mayer ne convainc pas totalement; même si l’émission est facile et la diction parfaite, la voix manque de chaleur et ne se trouve pas assez en osmose avec l’orchestre, où l’on aura d’ailleurs pu regretter un léger décalage avec le hautbois d’Alexandre Gattet, pourtant excellent durant toute la soirée.
Or, et c’est là le miracle du concert, après ces quatre premiers mouvements finalement moyennement convaincants, chef et orchestre se sont véritablement métamorphosés pour nous donner un dernier mouvement (lui-même divisé en plusieurs séquences) assez idéal. Les musiciens jettent ainsi leurs dernières forces dans cette fresque où flûte piccolo (excellente Anaïs Benoit), cors (emmenés par le toujours charismatique André Cazalet), trombones (où brilla Jonathan Reith, soliste du pupitre pour la soirée) furent parfaits, le style et les couleurs mahlériennes pouvant alors s’épanouir pleinement. Dans cette dernière partie, le chœur de l’Orchestre de Paris fut également impeccable; occupant l’ensemble des gradins placés derrière les musiciens, les quatre-vingts chanteurs commencèrent leur partie de façon quasi lugubre, assis, les mains posées à plat sur leurs genoux, susurrant presque dans une semi pénombre les mots de cette Auferstehung fondée sur un poème de Klopstock. L’effet fut garanti! L’entrée en lice des deux solistes, la soprano Hanna-Elisabeth Müller et de nouveau Christa Mayer, ajouta à l’émotion qui culmina dans un final exceptionnel de ferveur, lequel souleva le juste enthousiasme de la salle. Dommage que Semyon Bychkov, applaudi avec chaleur par le public et son ancien orchestre lorsqu’il revint seul sur scène au moment des saluts, n’ait pas d’emblée pris des options plus radicales: on aurait sans doute atteint un sommet!
Le site de Semyon Bychkov
Le site de Hanna-Elisabeth Müller
Sébastien Gauthier
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