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L’évidence

Strasbourg
Opéra national du Rhin
09/18/2021 -  
Robert Schumann : Lieder, opus 40
Hans Pfitzner : Die stille Stadt – Hussens Kerker – Abbitte – An den Mond
Gustav Mahler : Zu Strassburg auf der Schanz
Alban Berg: Vier Gesänge, opus 2
Gabriel Fauré : L’Horizon chimérique, opus 118
Francis Poulenc : Calligrammes

Stéphane Degout (baryton), Simon Lepper (piano)


(© Jean-Baptiste Millot)


Pour ce récital donné sans entracte, Stéphane Degout et Simon Lepper renoncent au schéma le plus souvent usité : première partie allemande, un peu cérébrale voire un rien sinistre, et ensuite seconde partie française ou d’autres écoles nationales, plus salonnarde et en tout cas plus légère… Ici tout est mélangé, et finalement fonctionne très bien. Le fil rouge est le monde du rêve, des horizons fantasmés, du crépuscule… une thématique à laquelle Stéphane Degout ajoute encore un peu de relief en insérant ça et là quelques courts textes poétiques lus en français, d’une agréable voix parlée (Georg Büchner, Roger Gilbert-Lecomte, Rainer Maria Rilke, Jules Supervielle). Malgré le côté assez exigeant voire dépressif de la ligne directrice, un vrai charme opère.


Seule réserve : comme il s’agit de pièces assemblées pour la circonstance, et que le chanteur n’a pas pu toutes mémoriser suffisamment, la partition placée devant lui fonctionne parfois comme un impalpable écran. Elle amoindrit la communication entre soliste et public, quand même un élément important de l’art du récital, où la miniaturisation du propos ne devrait pas, au contraire, rimer avec absence de théâtralité. Ici le truchement de la partition renforce une sensation d’introspection qui peut déranger, a fortiori un public non initié à ce genre très particulier du récital de chant.


Cela dit, la technique et le style de Stéphane Degout sont tellement accomplis en ce moment, de même que l’accompagnement pianistique de Simon Lepper, en constante osmose, que le programme passe à toute vitesse. Et surtout, l’idiomatisme allemand du chanteur n’a absolument rien à envier à son aisance dans le répertoire français. Le surtitrage -élément nouveau, à notre connaissance, dans ce type de soirée à Strasbourg, et excellente initiative- en devient superflu. Ici on ressent constamment une attention rigoureuse accordée au texte, intelligibilité qui semble avoir servi de charpente même à l’interprétation et non simplement accordée en sus, comme une sorte de confort agréable mais facultatif. Dans Après un rêve de Fauré, donné en bis, mélodie martyre que l’on a si fréquemment l’occasion d’écouter réduite en bouillie, la sensation de poésie et de totale simplicité est même enivrante.


Programme par ailleurs nourri de plusieurs connotations strasbourgeoises, dont le Mahler qui ouvre la soirée, Zu Strassburg auf der Schanz, mais aussi quatre superbes Pfitzner dispersés tout au long, hommage à un compositeur qui a passé de longues années à Strasbourg, jusqu’en 1918. Côté allemand le tableau est encore complété par quatre des cinq Lieder de l’opus 40, de Schumann, sur des textes d’Andersen traduits par Chamisso, aux affects presque expressionnistes déjà, et par l’opus 2 de Berg, où là on est en plein dans les passions tortueuses. Côté français, L’Horizon chimérique de Fauré apporte la diversion des grands espaces, et les Calligrammes de Poulenc leur clarté, pouvant occasionnellement pousser l’aigu du chanteur dans quelques retranchements inconfortables. Mais la classe de l'interprète est telle qu'on l'oublie très vite.


Un passionnant récital, qui augure bien d’une belle série à l’Opéra du Rhin : Sabine Devieilhe et Alexandre Tharaud en octobre, Lawrence Brownlee en décembre, Konstantin Krimmel et Lambert Wilson en janvier...



Laurent Barthel

 

 

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