Back
Carpe et lapin Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/24/2002 -
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violon n° 1, opus 77/99 Albert Roussel : Evocations, opus 15
Hilary Hahn (violon), Isabelle Sengès (alto), Pascal Aubert (ténor), Jean-Sébastien Bou (baryton) Chœur de Radio France, Philip White (chef de chœur) Orchestre National de France, Charles Dutoit (direction)
Le programme associait deux univers on ne peut plus opposés : l’introversion d’un artiste écrivant au cours des pires années du stalinisme, l’extraversion d’un jeune marié découvrant avec émerveillement l’Asie du sud-est.
Hilary Hahn aborde avec prudence le redoutable Premier concerto pour violon (1948/1955) de Chostakovitch. Prudence expressive, s’entend, car les mouvements rapides prouvent, comme l’on pouvait s’y attendre, que sa technique et son assurance sont toujours aussi époustouflantes. Très contrôlée, comme en retrait, dans le Nocturne initial et la Passacaille, son interprétation met l’accent sur la pureté du chant, grâce à une sonorité très lisse, que l’on pourra trouver trop « propre » et trop sage. La formidable cadence trouve cependant une traduction nettement plus engagée et expressive (mais fâcheusement entrecoupée de vocalises provenant des coulisses…), enchaînant sur un mouvement final virevoltant à souhait, mais peut-être joué davantage dans l’esprit d’une pièce de virtuosité à la Sarasate qu’avec l’ironie propre à Chostakovitch.
Avant de donner en bis un irréprochable presto de la Première sonate de Bach, la violoniste américaine, ne laissant aucun détail au hasard, prouve que son professionnalisme n’est pas seulement artistique, mais commercial, en annonçant, dans un français très étudié, qu’elle va dédicacer ses disques à l’entracte.
Il faut se féliciter que Charles Dutoit, désormais chef invité de l’Orchestre national de France dont il a été le directeur musical de 1991 à 2001, ait décidé de programmer les trop rares Evocations (1910-1911) de Roussel, dont Michel Plasson avait effectué, voici quinze ans, un enregistrement remarquable. Ce triptyque d’une durée de près de quarante-cinq minutes, qui requiert trois solistes et un chœur dans sa dernière partie, permet en effet de découvrir le compositeur dans une phase où, bien qu’âgé de plus de quarante ans, il reste encore fortement influencé par d’Indy, avant de trouver, quelques années plus tard, la rude concision qui le rend immédiatement reconnaissable. La finesse de l’orchestration et le fourmillement des thèmes sont d’autant plus remarquables que malgré les vers assez datés de Michel Dimitri Calvocoressi et les souvenirs très précis que Roussel rapporte d’Inde et de Cochinchine, il ne cède jamais à un exotisme de pacotille, pourtant fort à la mode en ces années-là. Peut-être desservie par la forte impression produite par la première partie, la prestation de l’Orchestre national, des solistes et du Chœur de Radio France se caractérise objectivement par sa qualité, mais donne souvent l’impression, certes éminemment subjective, qu’il manque l’étincelle propre à entraîner l’adhésion ou l’enthousiasme. Espérons donc entendre très prochainement à nouveau ces Evocations.
Simon Corley
|