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Rembrandt et non Vermeer

München
Herkulessaal
09/23/2021 -  et 25 (Munich), 26 (Ottobeuren) septembre 2021
Ludwig van Beethoven: Missa solemnis, opus 123
Lucy Crowe (soprano), Gerhild Romberger (mezzo-Soprano), Julian Prégardien (ténor), Tareq Nazmi (basse)
Chor des Bayerischen Rundfunks, Michael Gläser (chef de chœur), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir John Eliot Gardiner (direction)


J. E. Gardiner (© Sim Canetty-Clarke)


Dans les déchirantes pages de l’Agnus Dei final de la Missa solemnis, basse et chœur dialoguent et se relancent dans leurs lamentations. Dans ce moment si important, les grands chefs classiques qui se sont illustrés dans cette œuvre demandent à leur chœur un forte un peu plus appuyé mais cherchent à préserver un certain équilibre et une certaine splendeur sonore comme l’ont fait Karajan en 1979 ou Muti cet été, tous deux à Salzbourg.


Ce n’est pas l’option retenue par Sir John Eliot Gardiner dans l’exécution que nous a donnée à Munich. Il cherche plutôt une certaine théâtralité en praticien des œuvres baroques. Le chœur d’hommes donne à la fin de ce passage un dernier coup de collier en détachant chaque syllabe: Mi-se-re-re. C’est moins brillant et moins formellement «beau» mais c’est la marque d’une recherche d’expression pour montrer que Beethoven est vraiment «à bout». C'est une approche si caractéristique de de la force de la conception que l’immense chef anglais donne à cette œuvre.


Tout au long de cette exécution, on est frappé par le choix de nuances très sombres au niveau de l’orchestre. Les cordes jouent avec un vibrato minime, y compris le sublime solo du premier violon Radoslaw Szulc dans le Benedictus. Le chef minimise certains détails aux bois, qui sont volontairement un peu neutres. L’utilisation de timbales naturelles et les cuivres baroques font que les équilibres privilégient avant tout la masse chorale.


Le Chœur de la Radio bavaroise s’y révèle tout simplement sublime, trouvant une palette de nuances d’une grande subtilité, en différenciant avec soin passages piano et mezzo-forte, et impeccables dans leur intonation. Certains passages sont cependant un peu précipités par les tempi que demande Gardiner, qui sont proches de la rupture sans que cela apporte un vrai «plus» par rapport à l’ensemble.


Les solistes sont de grand niveau. Lucy Crowe a parfois quelques notes un peu trop dramatiques qui ressortent un peu trop, Julian Prégardien a beaucoup de distinction et Tareq Nazmi, qui avait chanté cette même œuvre en février 2019 sous la direction de Kirill Petrenko, a beaucoup d’autorité.


Voici au total, une exécution qui respecte la dimension de l’œuvre et lui rend pleine justice mais avec un art du clair-obscur et non une recherche de lumière. Nous sommes ici chez Rembrandt et non chez Vermeer.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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