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L’orchestre, le véritable héros wagnérien

Paris
Philharmonie
09/01/2021 -  et 3 septembre 2021 (Riga)
Richard Wagner : Lohengrin : Prélude de l’acte I, «In fernem Land», «Mein lieber Schwan» et «Höchtes Vertrau’n hast du mir schon zu danken» – Parsifal: Prélude de l’acte I, «Amfortas! Die Wunde», «Nur eine Waffe taugt» & Enchantement du Vendredi saint – Die Walküre: Chevauchée des Walkyries – Götterdämmerung: Voyage de Siegfried sur le Rhin, Mort de Siegfried et Marche funèbre & scène finale
Christine Goerke (soprano), Klaus Florian Vogt (tenor)
Orchester der Bayreuther Festspiele, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Ava du Parc/J’adore ce que vous faites)


Coup de maître pour la Philharmonie de Paris qui, en ouverture de saison, proposait un concert unique où officiait sans doute l’orchestre le plus mystérieux du monde: celui du Festival de Bayreuth.


Souvenons-nous en effet que, même si la construction du théâtre de Bayreuth a débuté le 25 mai 1872, le festival n’a officiellement vu le jour qu’en 1876 de la seule volonté de Richard Wagner (1813-1883). Pour servir «sa» musique, le compositeur a, à cette occasion, créé un orchestre tout spécialement dédié à ses œuvres, recrutant pour ce faire aux quatre coins de l’Allemagne. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on aurait aimé être présent à cette première représentation où, aux côtés du Konzermesiter d’alors, le bien oublié August Wilhelmj, officiaient notamment Arthur Nikisch au violon, Richard Mühlfeld à la clarinette et Hans Richter aux percussions! Depuis, l’habitude est restée: l’orchestre n’est pas permanent mais ses membres viennent de tous les pays et sont cooptés d’une année sur l’autre, les cent sept musiciens venant en priorité des orchestres de la Staatskapelle de Dresde et du Gewandhaus de Leipzig. Ce soir, on a notamment pu reconnaître José Maria Blumenschein, éphémère Konzertmeister des Wiener Philharmoniker et Konzertmeister pour ce concert, So-Young Kim, Konzertmeisterin de l’Orchestre du Bayerische Staatsoper ou Felix Schwartz, alto solo de l’orchestre de la Staatskapelle de Berlin.


Par ailleurs, comme on le sait également, l’orchestre est invisible à Bayreuth. Cachés dans une fosse à deux couvercles, qui comporte un dénivelé très important au fond duquel se pressent cuivres et percussions, le chef et l’orchestre sont donc masqués et le public, comme le souhaitait Wagner, ne bénéficie que de la seule musique et de la scène, sans donc être troublé par quelque autre action. De fait, le son enveloppe l’auditeur, répercuté qu’il est sur les parois en bois de cette fosse légendaire. Evidemment, il en va tout autrement dans une salle de concert comme peut l’être la Philharmonie de Paris où tout est perçu de façon plus claire, plus «habituelle», l’orchestre reprenant d’ailleurs sa disposition classique alors qu’à Bayreuth, les premiers violons sont à la droite du chef et les seconds à sa gauche.


Salle comble donc ce soir à Paris, une fois le passe sanitaire montré et le masque ajusté, les mélomanes s’étant pressés pour entendre et surtout donc voir cet orchestre dirigé ce soir par Andris Nelsons. Nelsons, que l’orchestre connaît bien, a débuté au Festival de Bayreuth en 2010 en dirigeant Lohengrin avec Jonas Kaufmann dans le rôle-titre, remplacé pour une soirée par un certain Klaus Florian Vogt... Il dirigea Lohengrin de nouveau quatre saisons de suite, ne revenant plus à Bayreuth semble-t-il en raison de tensions avec le maître des lieux, Christian Thielemann. Et, à la fin de cette soirée, la conclusion était évidente: quel chef et quel orchestre!


Mais, commençons peut-être par ce qui fâche avec la prestation, disons-le, assez désastreuse de Christine Goerke. Bien connue notamment outre-Atlantique, où elle a incarné le rôle-titre dans Elektra, elle n’aura été pour ce concert que l’ombre d’elle-même. Dans la si poignante troisième scène de l’acte III du Crépuscule des dieux où Brünnhilde se jette dans le bûcher pour rejoindre dans la mort son bien aimé Siegfried, elle aura en effet fait bien pâle figure: voix étriquée, souvent couverte par l’orchestre (en tout cas depuis le premier balcon), à la justesse approximative, vibrato envahissant, diction à la limite du compréhensible... On aura eu une conclusion on ne peut plus négative de cette soirée où, il faut dire pour «excuser» la soprano américaine, le premier chanteur aura au contraire constamment brillé, et de quelle façon. Car, qui (sauf peut-être Piotr Beczala) peut aujourd’hui rivaliser avec Klaus Florian Vogt dans le répertoire wagnérien dévolu au fameux Heldentenor, notamment dans Lohengrin? Dans chacun de ses airs, le chanteur allemand aura fait preuve d’un engagement, d’une délicatesse dans le chant (parfois à la limite du murmure comme dans le fameux air «Nun sei bedankt, mein lieber Schwan» au début de la scène 3 de l’acte I), parfois d’une puissance (l’air de Parsifal «Amfortas! Die Wunde») incroyables. Klaus Florian Vogt a tout simplement été idéal et le public ne s’y est pas trompé, ovationnant le chanteur à chacune de ses interventions.


Mais le véritable héros de la soirée, ne nous le cachons pas, fut l’orchestre. Car, ne l’oublions pas, Wagner conçoit l’orchestre comme un véritable personnage et parvient à ce titre, grâce à cet instrument ou à cette matière, à véritablement créer du merveilleux car tel est le qualificatif que l’on peut attribuer à certains passages ce soir. C’est en tout cas l’impression que l’on aura tout d’abord ressentie avec ce fameux Prélude de l’acte I de Lohengrin: la finesse des trente violons (quinze premiers, quinze seconds) fut admirable, Andris Nelsons n’en faisant jamais trop dans la gestique, l’entrée des bois pouvant alors s’effectuer avec toute la douceur et le naturel possibles. Si le Prélude de Parsifal n’aura pas été aussi convaincant, la tension faisant parfois défaut dans la construction de la grande arche musicale attendue et le tempo ayant à notre sens été un rien trop rapide, on ne peut en revanche que couvrir d’éloges l’«Enchantement du Vendredi saint» ou les extraits du Crépuscule des dieux. Dans ces derniers, notamment dans la célébrissime «Marche funèbre», les timbales sont crépusculaires, les huit contrebasses ronflent, les cuivres (notamment les quatre cors et les quatre Wagner-Tuben inventés à l’époque pour l’occasion) distillent une grandeur hiératique sans jamais tomber dans la moindre sécheresse ou éclat vulgaire. Nelsons joue au contraire sur la fluidité entre les pupitres (le passage où interviennent le cor anglais, la clarinette et le hautbois, toujours aussi magique...) et sur l’homogénéité de chaque extrait, sans jamais là non plus sacrifier au grandiloquent. Il aurait pourtant été facile de céder à cette tentation dans la «Chevauchée des Walkyries» mais celle-ci, fracassante il est vrai, se caractérisa surtout par un formidable panache où les cordes notamment firent montre d’une technicité époustouflante.


Salué comme il le devait tant par l’orchestre que par le public, Andris Nelsons, dont le physique nous faisait parfois penser à Karl Ridderbusch, autre interprète flamboyant de l’œuvre wagnérienne, s’affirme sans nul doute comme un wagnérien de grande classe dont on ne peut que souhaiter le retour sur scène pour un opéra de Wagner en intégralité. L’Opéra de Paris pourrait y penser...


Le site d’Andris Nelsons
Le site de Christine Goerke
Le site de Klaus Florian Vogt
Le site du Festival de Bayreuth



Sébastien Gauthier

 

 

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