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Une compositrice au temps de Rameau

Le Mans
Sablé-sur-Sarthe (Eglise Notre-Dame)
08/28/2021 -  
Mademoiselle Duval : Les Génies ou les Caractères de l’Amour
Jodie Devos (soprano), Fabien Hyon (ténor), Anna Reinhold (mezzo-soprano), Guilhem Worms (baryton-basse)
Ensemble Il Caravaggio: François Nicolet, Clément Lefèvre (flûtes), Ion Olaberria (hautbois, flûte à bec), Benjamin Chénier, Laura Corolla, Tatiana Bechti, Anne Camilo, Pierre-Eric Nimylowycz, Ugo Gianotti (violons), Jean-Marc Haddad (alto), Patrick Langot, Manon Papasergio, François Gallon (basses de violon), François Leyrit (violone), Nora Dargazanli (clavecin), Camille Delaforge (clavecin, direction)


(© Festival de Sablé)


C’est à une passionnante découverte que nous convie le festival baroque de Sablé-sur-Sarthe, associé au Centre de musique de baroque de Versailles (CMBV) et à l’Ensemble Il Caravaggio, autour de la figure mystérieuse et méconnue de Mademoiselle Duval, dont même le prénom ne nous est pas parvenu. Son unique ouvrage lyrique connu, l’opéra-ballet Les Génies ou les Caractères de l’Amour (1736), eut pourtant les honneurs d’une création à l’Opéra de Paris, avec l’accompagnement au clavecin de la compositrice, âgée entre 18 et 25 ans. Comme le rappelle le responsable éditorial du CMBV, Julien Dubruque, lors de sa brillante conférence, Mademoiselle Duval bénéficie de l’esprit d’ouverture et de risque propre à cette période – à l’instar la même année de Joseph Bodin de Boismortier avec Les Voyages de l’Amour (voir l’enregistrement réalisé cette année), mais aussi du «débutant» Jean-Philippe Rameau. Dans ce contexte favorable, l’ouvrage rencontre un succès attesté par plusieurs comptes rendus, sans parvenir à bénéficier d’une reprise ensuite. De manière inexplicable, la compositrice disparaît ensuite des radars, sans que l’on sache ce qu’elle est devenue après cette belle réussite, qui reste aujourd’hui le deuxième ouvrage lyrique à avoir été composé par une femme pour l’Opéra de Paris, après Céphale et Procris (1694) d’Elisabeth Jacquet de La Guerre.


Donné en une version réduite de moitié (soit 1 heure 40 de musique environ), Les Génies ou les Caractères de l’Amour mettent en miroir les éléments avec quatre intrigues amoureuses en autant d’entrées séparées, comme il se doit pour un opéra-ballet, autour d’une musique de caractère très différenciée. Dès l’Ouverture, on est saisi par la direction franche et énergique de Camille Delaforge, à la tête de l’Ensemble Il Caravaggio, que l’on a pu découvrir tout récemment avec un premier disque splendide. Le concert confirme ces bonnes impressions, même si un déséquilibre est audible entre l’engagement mesuré des premiers violons et celui plus mordant des graves. De manière générale, Delaforge réussit mieux la verticalité des tutti que l’accompagnement des solistes, parfois flottant. Rien d’indigne bien sûr, mais c’est peut-être ce qui a manqué pour hisser ce concert au niveau de celui de la veille. Quoi qu’il en soit, la jeune chef a su se montrer à la hauteur de l’événement, n’hésitant pas à mettre en avant à plusieurs reprises ses flûtistes, particulièrement sollicités par la partition.


Quel plaisir, aussi, de retrouver la touchante Anna Reinhold, dont la sensibilité délicate autant que la déclamation naturelle, sont un régal à chaque intervention! La mezzo doit toutefois prendre garde à ne pas se laisser couvrir par ses partenaires dans les quatuors (donnés en lieu et place des chœurs), alors qu’elle montre par ailleurs des facilités de projection lors des solos. Il est vrai que le tonitruant ténor Fabien Hyon force par trop dans la vaillance, au détriment de l’équilibre d’ensemble. Un péché de jeunesse qui s’explique par une facilité dans le jeu dramatique, mal canalisée ici, mais aussi la volonté de compenser quelques défaillances vocales. A ses côtés, un rien trop timide dans les récitatifs, Jodie Devos montre davantage d’agilité dans la technique vocale, au bénéfice d’airs rayonnants. Enfin, malgré quelques décalages par rapport aux vifs tempi imposés par Camille Delaforge, Guilhem Worms confirme tout le bien que l’on pense de lui (voir notamment son Basilio à Tours en 2020) autant dans la solidité de l’émission sur toute la tessiture que les beaux graves bien projetés. Gageons qu’un enregistrement discographique, que l’on espère mais dont le principe n’est pas acquis, saura gommer les quelques imperfections de ce plateau vocal à l’élan juvénile.



Florent Coudeyrat

 

 

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