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Le lied au crépuscule

Baden-Baden
Festspielhaus
07/25/2021 -  
Franz Schubert : Dem Unendlichen, D 291 – Der Wanderer an den Mond, D. 870 – Abendröthe, D. 690 – Der Wanderer, D. 649 – An den Mond in einer Herbstnacht, D. 614 – Prometheus, D. 674 – Mahomets Gesang, D. 549 – Ganymed, D. 544 – An Schwager Kronos, D. 369 – Abendbilder, D. 650 – Himmelsfunken, D. 651 – An die Freunde, D. 654 – Abendstern, D. 806 – Sehnsucht, D. 516 – Liane, D. 298 – Gondelfahrer, D. 808 – Rückweg, D. 476 – Beim Winde, D. 669 – Nachtstück, D. 672
Christian Gerhaher (baryton), Gerold Huber (piano)


C. Gerhaher, G. Huber (© Nikolaj Lund)


Pendant cette période d’incertitude sanitaire, on voit décidément un peu de tout au cours de nos pérégrinations. Au Festspielhaus de Baden-Baden, le réveil après une longue période de léthargie se confirme, mais reste prudent, avec toujours un remplissage de salle plus que parcimonieux par rapport à la très grande taille de l’auditorium, et puis aussi beaucoup de précautions pour limiter les contacts physiques, dont l’absence de vente de programmes. Les brochures sont laissées gratuitement à disposition sur des tables à l’entrée, et quand il n’y en a plus... on est prié de s’en passer. Rescapé d’interminables embouteillages d’été sur l’autoroute allemande, arrivé au Festspielhaus quelques minutes seulement avant le début, il faut aller s’asseoir en ne sachant quasiment rien du concert qui suit, si ce n’est que Christian Gerhaher va y chanter exclusivement du Schubert. Et inutile de solliciter son voisin pour feuilleter son programme : il est assis trop loin, et puis il n’est pas certain qu’il accepterait que vous contaminiez son exemplaire...


Donc épreuve du concert inconnu ! Heureusement, la diction du baryton bavarois est d’une clarté exceptionnelle, ce qui permet de ne rien perdre des atmosphères et d’un travail sur les textes poétiques qui reste d’une précision d’orfèvre. On suit l’exécution pour ainsi dire à la lettre, mais souvent en ne reconnaissant pas les pièces. A part trois ou quatre classiques familiers (Der Wanderer an den Mond, Ganymed, Prometheus, An Schwager Kronos), le programme déniche surtout des raretés, et nous renvoie à notre connaissance en définitive insuffisante d’un répertoire qui pourtant nous est particulièrement cher, mais si vaste ! Révélation à la sortie, quand un ouvreur nous tend enfin un dernier exemplaire de programme, retrouvé dans un coin obscur de la maison : il s’agissait d’un récital intitulé « Abendröthe », donc entièrement consacré aux couchers de soleil. Au moins avait-on déjà clairement perçu l’ambiance crépusculaire du propos...


De beaux paysages au couchant, que Christian Gerhaher sait aussi caractériser, ce qui est moins fréquent chez lui, par de vraies rechanges de couleur. On se souvient d’un récital précédent, ici même, qui nous avait laissé perplexe, l’instrument de Gerhaher paraissant un peu ligneux et blanchi. Rien de tel cette fois : le texte, primordial dans ce genre d’approche passe bien, mais aussi, quand même, un certain hédonisme vocal reste dispensé. Et puis il y a cette collaboration privilégiée avec le pianiste Gerold Huber, une complicité de toujours, presque une gémellité, entre la voix et son accompagnement pianistique. L’un et l’autre se relayent à la perfection, au point même que le piano ne semble devenir intéressant que quand la voix se tait. Ailleurs l’osmose est tellement aboutie qu’on n’individualise plus rien.


L’art du lied atteint ici des quintessences de subtilité, au point peut-être d’en devenir vraiment élitaire. En l’absence de virus, quelle jauge de public aurait-on pu réellement atteindre au cours d'un tel concert ? De cette heure un quart sans entracte, où le soleil n’en finit jamais de se coucher, on sort émerveillé par tant d’art, mais avec quelques inquiétudes quant à l’avenir d’une aussi merveilleuse et méditative discipline, à l’âge du rock et du rap.



Laurent Barthel

 

 

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