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Bart barbe un peu, mais quel Tybalt !

Berlin
Staatsoper Unter den Linden
01/20/2002 -  


S. Prokofieff : Roméo et Juliette



Margaret Illmann (Juliette), Yann Saïz (Roméo), Oliver Matz (Tybalt), Bettina Thiel (Comtesse Capulet), Ronald Savkovic (Mercutio), Jörg Lucas (Comte Capulet), Saul Marziali (Benvolio), Ekkehart Axmann (Père Lorenzo).


Patrice Bart (Chorégraphie et mise en scène), Luca Antonucci (Décors), Philippe Binot (Costumes), Franz Peter David (Lumières).



Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Julien Salemkour (Direction).



Mastodonte du répertoire chorégraphique depuis sa création à Brno en 1938, Roméo et Juliette de Prokofieff n´avait pourtant jusqu´à présent que moyennement reçu les faveurs du Staatsoper Unter den Linden (une seule mise en scène en 1981), en partie à cause du relatif et idéologique discrédit dont souffrit le compositeur après sa mort dans les régimes communistes. Injustice maintenant réparée grâce à cette nouvelle production du parisien Patrice Bart, qui embarque d´ailleurs avec lui quelques artistes compatriotes dans l´aventure. Composé au début de la période soviétique du compositeur, à la même époque que Pierre et le Loup et la musique pour Alexandre Nevski, ce ballet n´est certes pas la plus mauvaise adaptation du drame de Shakespeare, mais pâtit tout de même un peu de la comparaison avec ces deux illustres partitions contemporaines. Certaines pages marquantes comme la Mort de Tybalt, l´Entrée de Roméo et Mercutio, ou encore la justement fameuse Danse des Chevaliers, ne masquent que partiellement un espace musical virant souvent au descriptisme, voire à l´attentisme, faisant regretter le compositeur bien plus brillant qu´était Prokofieff dans sa jeunesse, au temps des concertos pour piano ou de L´amour des trois oranges.



Tant dans les décors que dans la chorégraphie, cette production joue la carte de la sobriété bon teint. Blanches arcades très efficaces mais un peu impersonnelles, costumes seyants mais point trop voyants, orchestique et mouvements d´ensemble tout à fait classiques, le spectacle se laisse voir sans déplaisir mais reste parfois un peu prévisible. Certains détails sont réussis (le retrait en douceur du balcon lors de la scène du même nom, comme pour mieux laisser le champ libre aux deux amants), d´autres moins (le père Lorenzo - au demeurant fort élégant danseur - agitant un peu démonstrativement rose rouge et tête de mort dans le dos des époux, après la scène du mariage). Un demi-sommeil s´empare progressivement du spectateur, que viennent parfois stimuler quelques pas de danse plus originaux que la moyenne (humour pince-sans-rire dans les scènes entre Roméo et Mercutio, bouillonnement errolflynnien des scènes de duel), d´ailleurs accompagnés d´amusants clins d´oeil picturaux, pour le meilleur (Poussin et Schinkel dans les premiers), comme pour le pire (le David du Serment des Horaces dans les seconds). Par son anti-modernisme affiché, l´ensemble conserve surtout un côté très XIX-ème siècle, et ce jusque dans le beau visage hispanique de Bettina Thiel, portrait craché de Cornelie Falcon telle qu´on peut la voir dans de vieux numéros de L´Avant-Scène Opéra. Bien sûr ce dix-neuvièmisme n´est pas un contresens pour ce sujet romantique, et rend finalement ce spectacle assez attachant.



De plus, ces parti-pris sont défendus par un trio de premiers Sujets tout à fait excellents : Juliette tendre et touchante de l´australienne Illmann, montrant dans maints endroits une sûreté technique proprement ébouriffante, Roméo très romantique de l´annécien Saïz, parsemant son rôle d´une espièglerie tout à fait bienvenue (puisque voulue par Shakespeare), et, surtout, un extraordinaire Tybalt incarné par le Kammertänzer Matz. Athlétisme parfaitement intact, présence magnétique incomparable mimant avec un égal brio la colère rentrée et la sombre sensualité de son personnage, on rêverait de voir ce magnifique danseur en Rotbart. Les seconds rôles ne sont pas en reste, en particulier un couple Capulet de haute tenue et un sémillant Mercutio. La différence de niveau est malheureusement de taille avec le reste du corps de ballet, dont la gestique parfois empruntée et pas toujours très assortie contribue sans doute au léger ennui que distillent les scènes d´ensemble. Cette même remarque vaut d´ailleurs pour l´Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin, actuellement invité dans la fosse du Staatsoper (la Staatskapelle tourne cet hiver au Japon le cycle des Nibelungen). Très bien en place et pourvu d´un beau son bien rond, mais un peu massif, cet orchestre peine parfois à rendre les subtilités de la partition, en particulier dans les passages humoristiques ou érotisants où il semble complètement à côté de la plaque (catastrophiques glissandi des premiers violons). Dans ses notes jointes au programme, le chef Julien Salemkour semble pourtant plein de bonnes intentions. Mais il est décidément bien plus difficile de faire de la musique que d´écrire sur la musique.




Thomas Simon

 

 

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