About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

La discussion est ouverte

Baden-Baden
Festspielhaus
07/09/2021 -  
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68, et n° 7, opus 92
Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin (direction)


Y. Nézet-Séguin (© Manolo Press/Michael Bode)


Réouverture précautionneuse à Baden-Baden, après ces longs mois de verrouillage total où le Festspielhaus a dû se contenter d'une présence sporadique sur internet, sous forme de Hausfestspiele aussi conviviaux que possible mais qui pouvaient difficilement passer pour un palliatif efficace. Et même maintenant, en comparaison avec d’autres lieux en Allemagne, les contraintes restent strictes: conformité sanitaire bien vérifiée à l’entrée, et jauge toujours réduite à quelques centaines de personnes seulement, disséminées dans la vaste salle jusqu’à paraître tristement esseulées chacune dans leur coin. Programmation peau de chagrin aussi, avec annulation du séjour de Valery Gergiev et du Théâtre Mariinsky prévu un peu plus tard en juillet, pour trois représentations de Tosca. Renonciation frustrante pour le Festspielhaus, mais on peut comprendre que la perspective de voir débarquer toute la troupe de Saint-Pétersbourg, avec orchestre, chœurs, techniciens, familles et éventuellement virus, ait pu effrayer les tutelles régionales.


Tout ce que l’intendant Benedikt Stampa aura pu préserver de sa très belle saison 2020-2021, restée presque entièrement à l’état de promesses sur le papier, aura donc été la présence de Yannick Nézet-Séguin en ce début d’été. Et ce avec bien entendu un autre orchestre que celui du Met, initialement prévu. Le Chamber Orchestra of Europe, remplaçant de marque, restant un instrument d’une flexibilité particulière, l’occasion a été saisie au vol pour proposer cette intégrale des Symphonies de Beethoven en quatre concerts, écho tardif d’une année de bicentenaire où pratiquement tous les projets de ce genre sont passés à la trappe.


Yannick Nézet-Séguin est bien connu à Baden-Baden, en particulier pour le cycle d’opéras de Mozart qu’il y a construit à raison d’un titre par an, enregistrements à chaque fois publiés ensuite par Deutsche Grammophon. Mais cette fois, on est dans un domaine symphonique où le chef canadien peut paraître se chercher davantage, en quête d’une maîtrise du sujet voire d’un style. Et comme aujourd’hui, de toute façon, l’interprétation beethovénienne n’est plus guère univoque, tournant chaque année davantage au laboratoire expérimental, la tentation est forte de transformer ces incertitudes en atouts marketing. Sont mis en avant la jeunesse de l’approche, sa fougue, son élan rythmique inexorable, vertus effectivement caractéristiques du chef, en espérant que cela puisse suffire. En quelque sorte un cocktail sur-vitaminé, dont la consommation serait fortement préconisée avant les vacances. Est-ce bien suffisant pour se nourrir ? Là, il devient difficile de répondre, ne serait-ce que parce qu’à notre époque les concepts d’interprétation beethovénienne ont tellement muté dans toutes les directions qu’aucun point de référence indiscutable ne peut plus être invoqué. Gras, dégraissé, salé, sucré, transparent, charnu, acide, suave... tout est permis, puisqu’il y aura toujours un tel ou une telle pour trouver cela nouveau, intéressant, stimulant, sinon passionnant. Et gare au rabat-joie qui ose se plaindre que, quand même, dans la proposition expérimentale du jour, les cornichons aigres-doux gâchent le goût de la salade de fruits.


Face à ce cycle Beethoven, dont personnellement on n’aura pu vivre qu’une seule soirée, une certaine perplexité demeure, retrouvée d’ailleurs assez souvent en interrogeant dans la salle des spectateurs qui l’ont suivi plus assidûment. Chacun en retire un ressenti différent, avec des points d’accord et de rejet qui concordent rarement. Dès lors, le critique ne peut plus rajouter ici que ses impressions propres, en définitive d’une valeur elle aussi très relative dans un contexte aussi mouvant. Le mieux est peut-être de se faire une idée directement, ce à quoi le Festspielhaus incite d’ailleurs, avec un système de vidéos à la demande d’un maniement très simple qui vient d’être mis en place : 10 euros pour chaque concert, voire un « package » à 35 euros pour les quatre.


Au menu de ce soir : les Sixième et Septième, une association à contrastes. Les premières impressions sont conformes aux annonces : un Beethoven sans poids, qui danse sur la pointe des pieds, un peu à la façon du chef sur le podium. Les thèmes se succèdent joliment, les détails instrumentaux prolifèrent, favorisés par un manque d’épaisseur des cordes, pas très importantes en effectif et jouant sans vibrato le plus souvent. On en retire des images sonores agréables mais manquant de ligne directrice, de quelque chose de supérieur qui pourrait unifier ces guirlandes décoratives. Le terme « pastorale » paraît moins évoquer la nature, au sens romantique du terme, que les bergeries un peu niaises du XVIIIe siècle. Dans l’Andante qui suit, le déséquilibre entre les cordes – qui disparaissent complètement, jouant davantage pianissimo que le piano noté, et de plus sans vibrato –, et une surcharge de détails et d’intention dans le traitement de la petite harmonie, paraissent davantage incongrus que convaincants. Le meilleur moment de cette surenchère descriptive : l’orage, très expressif, où le timbalier John Chimes, vétéran d’une énergie peu ordinaire, saisit de belles occasions de briller.


Après l’entracte, le traitement réservé à la Septième est sombre, dans la même ligne que le déchaînement d’orage de la symphonie précédente. Le début surprend d’emblée par sa radicalité, avec ses célèbres accords initiaux comme arrachés, voire grinçants : en rien un majestueux portique. Mais de ce fait se dégage une unité mieux perceptible que d’habitude avec la suite du mouvement, volonté d’unification ressentie aussi dans l’absence de toute césure entre la conclusion du Vivace et l’Allegretto, enchaîné dans la foulée comme s’il s’agissait du même mouvement : une seule coulée plutôt torturée, angoissante, celle d’une symphonie de guerre, écrite, rappelons-le au cœur d’une période historiquement très sombre, en pleines campagnes napoléoniennes. Finale ébouriffant, à un tempo d’enfer comme c’est devenu très à la mode, mais avec des aptitudes à la relance d’énergie (l’ébouriffant John Chimes, toujours, en plein accord avec le chef...) qui ne donnent pas l’impression d’un pari gratuit. Dans cette symphonie-là, Yannick Nézet-Séguin trouve plutôt bien ses marques, ou du moins sa proposition paraît-elle effectivement intéressante et cohérente.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com