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Lear version Nuit au musée

München
Nationaltheater
05/23/2021 -  et 26*, 30 mai 2021
Aribert Reimann: Lear
Christian Gerhaher (Lear), Edwin Crossley-Mercer (König von Frankreich), Ivan Ludlow (Herzog von Albany), James McCorkle (Herzog von Cornwall), Brenden Gunnell (Graf von Kent), Goerg Nigl (Graf von Gloster), Andrew Watts (Edgar), Matthias Klink (Edmund), Angela Denoke (Goneril), Ausrinė Stundytė (Regan), Hanna-Elisabeth Müller (Cordelia), Graham Valentine (Narr), Dean Power (Bedienter), Mac Bodnar (Ritter)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Stellario Fagone (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Jukka-Pekka Saraste (direction musicale)
Christoph Marthaler (mise en scène), Anna Viebrock (décors), Dorothee Curio (costumes), Michael Bauer (lumières), Benedikt Stampfli, Malte Ubenauf (dramaturgie)


En Allemagne comme dans de nombreux pays en Europe, le taux d’incidence du covid ces dernières semaines a baissé, permettant ainsi aux terrasses des restaurants, salles de sport et salles de concert de pouvoir enfin ouvrir au public. Les conditions restent bien évidemment strictes : port d’un masque FFP2 durant toute la soirée, présentation d’un test négatif (des centres de test étant facilement accessibles gratuitement dans tout Munich), jauge de 30% avec une rangée sur deux complétement vide et un siège sur deux vide sur la rangée occupée.


Il reste bien évidemment beaucoup de chemin à parcourir mais le plaisir d’assister à une représentation de ce niveau et en direct, pas en streaming, procurait une émotion spéciale. La réelle gentillesse avec laquelle ouvreurs accueillaient les spectateurs en disait long sur le plaisir partagé par tous de se retrouver.


Les précautions sanitaires ont également impacté cette représentation de Lear. L’orchestre monumental voulu par Reimann a dû être divisé : cordes et bois se trouvaient dans la fosse, tandis que percussions (fort nombreuses) et cuivres étaient dans une salle de répétition, via une retransmission en vidéo. Il semble que le volume sonore de l’orchestre durant la première de cette représentation avait été jugé un peu élevé par certains spectateurs mais, tout en restant une œuvre d’une très rare densité, un certain équilibre semble avoir été trouvé pour cette soirée. On peut juste se demander si les incroyables difficultés de cette partition comme les parties des cordes toutes divisées, ne sont simplement pas impossibles à entendre et à apprécier et si l’œuvre ne serait pas « sur-orchestrée ». Quoi qu’il en soit, chapeau aux musiciens et ainsi qu’à Jukka-Pekka Saraste, dont l’autorité est un des atouts de cette soirée.


C’est dans cette même salle que Lear avait été créé en 1978 avec Dietrich Fischer-Dieskau et Julia Varady dans le rôle-titre et celui de Cordelia. Le retour à Munich de cette œuvre que l’on a pu entendre à Paris ou Salzbourg, signe de l’acceptation de l’opéra de Reimann et également du fait que le public est maintenant plus familier des éléments du style du compositeur : utilisation de quarts de tons, clusters sonores, et une expressivité qui fond de cette œuvre une suite stylistique des Soldats de Zimmermann, autre opéra que le Bayerische Staatsoper avait proposé à son public.


Christoph Marthaler faisait ses débuts munichois avec cette œuvre. On retrouve la patte du metteur en scène suisse. L’action se situe dans un musée où Lear, professeur, directeur et peut-être roi, épingle avec fascination des insectes difformes dans les rayons dans lesquels figurent les différents personnages de la pièce de Shakespeare. Cette apparente trivialisation des personnages, qui gomme un certain caractère épique de l’œuvre, cache un jeu subtil qui sert à mieux faire ressortir leur caractérisation : l’emprise de Goneril sur son mari, la cruauté de Regan, Edmund sans colonne vertébrale, incapable de se tenir vraiment debout... La scène de folie de Lear montre la déchéance de ce dernier un peu grotesque, se déplaçant en sandales et sans pantalon dans une pantomime très travaillée. La mise en scène contient une foule de trouvailles avec, en particulier, les deux sœurs abusant de parfums pour couvrir la puanteur de la situation ou le gardien du musée transportant une armure de chevalier qui va progressivement se réduire à néant.


Pour cette production, Munich a rassemblé une distribution de premier choix. Avoir sur une même scène la présence dans le rôle des trois sœurs d’Angela Denoke, Ausrine Stundytė et Hanna-Elisabeth Müller, toutes si différentiées et si caractérisées, souligne la qualité de la distribution. Les rôles masculins ne sont pas en reste, avec une mention spéciale pour l’Edgar si expressif d’Andrew Watts.


Le choix pour le rôle de Lear de Christian Gerhaher montre bien à quel point le baryton allemand est le successeur spirituel de Dietrich Fischer-Dieskau. L’immense chanteur de lieder trouve ici une expressivité et un talent d’acteur rares. A nouveau, on ne peut que s’émerveiller de la technique du chanteur : projection, couleur, qualité de la diction... C’est à ce niveau de maîtrise qu’il est possible de s’exprimer et de faire partager avec le public la grande variété des émotions que le rôle permet d’explorer.


Voici pourquoi cette production de Lear est si caractéristique du Bayerische Staatsoper. Il y a les mêmes talents, la même approche et la même exigence pour un Lear que pour des Maîtres chanteurs ou pour un Chevalier à la rose.


Les amateurs de Marthaler seront ravis de savoir qu’il leur sera possible de regarder en streaming la représentation du 30 mai prochain. Les Munichois seront ravis de savoir que leur opéra leur proposera très bientôt le Triptyque de Puccini et une création de Miroslav Srnka avant que le festival de fin de saison ne permette d’entendre Tristan et Isolde dirigé par Kirill Petrenko. Quant à la prochaine saison, Serge Dorny, futur directeur du Bayerische Staatsoper qui succédera à Nikolaus Bachler, était hier dans la salle et présentera la 10 juin sa première saison.


La vie reprend ses droits...



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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