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Une heure avec Claus Peter Flor

Strasbourg
Palais de la Musique
10/15/2020 -  et 16* octobre 2020
Samuel Barber : Adagio pour cordes
Gustav Mahler : Rückert-Lieder (arrangement Eberhard Kloke)
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 1 en do majeur, opus 21

Petra Lang (soprano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Claus Peter Flor (direction)


C. P. Flor (© Grégory Massat)


Claus Peter Flor, 67 ans, en ce moment lié surtout à l’Orchestre philharmonique d’Arnhem aux Pays Bas (Het Gelders Orkest) et à l’Orchestre symphonique de Milan Giuseppe Verdi, aurait pu devenir le prochain directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Du moins les musiciens, qui le connaissent bien pour avoir plusieurs fois joué sous sa direction dans le passé et en avoir gardé des souvenirs mémorables, avaient-ils pris l’initiative de le plébisciter avec une éloquente unanimité. Finalement c’est le chef ouzbek Aziz Shokhakimov qui prendra ses fonctions à ce poste en septembre 2021 : un choix prometteur mais aussi un pari plus risqué, celui de la jeunesse et non de l’expérience.


En tout cas ce soir, l’enthousiasme de l’orchestre, même en effectif réduit du fait des normes sanitaires du moment, fait plaisir à voir. Les physionomies sont en éveil, les regards pétillent, l’ambiance est studieuse avec un patent sentiment de confiance mutuelle, et à regarder le comportement du chef, tout en complicité voire en malice, les répétitions ont dû regorger de bons moments de convivialité. La Première Symphonie de Beethoven, choix de repli en lieu et place de la Septième initialement prévue, supporte mieux l’amaigrissement des pupitres en vigueur (cordes un peu congrues, seulement huit premiers violons, quatre violoncelles...), et ce d’autant plus que l’énergie communicative du chef fait sonner l’ensemble avec une puissance qui fait illusion. Loin cependant de toute massivité, l’exécution fourmille aussi de délicieux détails, qui ne nuisent jamais à la logique de la progression. Un moment de grâce malheureusement trop court, qui nous ramène l’espace d’une demi-heure aux fastes du monde d’avant, celui où les orchestres n’étaient condamnés ni au silence ni à des régimes pour anorexiques.


Même sensation de son de cordes opulent, intense, pour l’Adagio de Barber qui ouvre le concert. Musique naturellement solennelle, voire prégnante d’abattement, mais dont l’exécution n’a rien de languide ni de complaisant. Le chef gère les tensions avec art, parvenant à obtenir d’intenses dramatisations des nuances, en nourrissant progressivement le son sur les notes tenues. Un époustouflant travail sur les phrasés, exécuté par des archets d’une précision millimétrée. A défaut d’un Adagio de la Dixième Symphonie de Mahler impossible à présenter en ce moment, au moins un mémorable lot de consolation.


Il était évidemment prévu que Petra Lang, naguère mezzo puis soprano dramatique de format wagnérien, Isolde à Bayreuth il y a peu d’années encore, chante les Rückert-Lieder de Mahler avec un socle orchestral à sa mesure. Mais là, dans l’arrangement malingre déniché pour la circonstance, signé par le chef d’orchestre Eberhard Kloke, grand spécialiste de ce genre de réductions bonsaï, l’orchestre sonne beaucoup trop émacié et n’étaye plus rien. La voix ne peut pas prendre son envol, voire apparaît toute nue, dans un état de conservation problématique. Faute de soutien les intonations sonnent faux et il faut attendre «Um Mitternacht» pour retrouver ici ou là quelques beaux accents dramatiques. C’est le dernier lied, «Ich bin der Welt abhanden gekommen», où l'expression requiert davantage d’intériorité, qui passe le mieux, Petra Lang parvenant enfin à transmettre un peu d’émotion. Aussi parce que là, providentiellement, l’écrin de l’orchestre peut compenser davantage les fragilités d’un timbre qui s’émiette et bouge. Quelques moments de consolation, subtilement colorés de mélancolie par le cor anglais de Victor Grindel, transfuge de l’Orchestre national de Lille, à l’issue d’une exécution douloureuse.



Laurent Barthel

 

 

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